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Cercle Genealogique de l’Aveyron
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Les MARTINAIRES de NANT 1er épisode
Métiers d’autrefois en Aveyron
Article mis en ligne le 11 mai 2021
dernière modification le 29 mai 2021

par Suzanne BARTHE

Notre assemblée générale, suivie des JOURNEES GENEALOGIQUES de l’AVEYRON auront lieu cette année à NANT, les 11 et 12 septembre.

M. Jean DELMAS indique dans un article qui paraîtra dans notre livre de l’année [1] "En Rouergue, la plus ancienne mention d’un « moulin… pour faire battre le fer » date, selon mon hypothèse, de 1283 ; et c’était dans la haute vallée de la Dourbie, dans la seigneurie de Roquefeuil ; le maître de forge habitait Cantobre. On peut déjà parler d’une industrie".

En "avant première" nous vous proposons d’ores et déjà un article (en trois épisodes) sur les "MARTINAIRES de NANT", rédigé par Monique et Alain BONNEMAYRE, [2] qui nous ont fait l’amitié de collaborer à la rédaction du "livre de l’année".

Les martinaires de Nant (1/3)

Un martinet est à l’origine un gros marteau mû par la force hydraulique pour travailler le fer ou le cuivre, ce terme désigne aussi le local qui l’abrite.

Les martinaires (en occitan ) ou martineurs (en français) travaillaient le cuivre pour en faire des ébauches que le payrolier ou chaudronnier transformait en ustensiles de cuisine, casseroles, seaux, chaudrons...

Le cuivre de récupération et le cuivre neuf étaient mélangés à parts égales, on déposait successivement le cuivre et du charbon de bois dans un four à 1200°, le cuivre fondu coulait dans un creuset. Après avoir enlevé les cendres de bois qui restaient en surface on puisait le cuivre avec une louche spéciale pour le verser dans des moules et on obtenait une sorte de galette appelée pastelle.

Au martinet, on travaillait à au moins deux ou trois, le maître martinaire, l’ouvrier chargé du foyer et éventuellement un apprenti. Dans le martinet, il y avait la forge, avec un grand soufflet, où la pastelle était réchauffée avant d’être placée sur l’enclume. Un énorme marteau relié à la roue du moulin par un arbre à cames frappait le cuivre pour l’étirer, le martinaire déplaçait la pastelle [3] avec des pinces pour lui donner la forme voulue ; peu à peu, après plusieurs réchauffages, la pièce s’incurvait, les bords s’élevaient jusqu’à l’obtention d’une coupe, la coupe noire, qui était confiée au chaudronnier

Le cuivre neuf, dès le XIVe siècle, est importé de la Montagne Noire ou de l’Auvergne, et surtout d’Allemagne ; les lingots appelés «  Rosettes d’Hambourg » étaient transportés par voies fluviales : Rhin, Rhône, canaux jusqu’au sud des Cévennes, vers Nîmes ou Montpellier, puis remontaient par caravanes de mulets et étaient distribués dans tout le Rouergue.

Ces martinets ont cessé de fonctionner au milieu du XIXe siècle. Siècle qui a connu la révolution industrielle. La seconde moitié de ce XIXe siècle a vu l’arrivée du chemin de fer, de meilleures voies de communications, le laminoir qui étire des feuilles de cuivre sous presse avec une empreinte et donne en quelques minutes un chaudron au lieu de taper pendant des heures sur le martinet, et de nouveaux matériaux comme le fer blanc…

A Nant le débit régulier du Durzon ainsi que sa déclivité ont permis de construire deux martinets, un à St-Martin, [4] l’autre à la Mouline. Il faut quatre mètres de chute pour faire tourner une roue.

Edmond Bouty [5], a raconté dans ses souvenirs, vers 1920, ses visites aux petits industriels de Nant, quand il était adolescent, en 1859. Après un atelier de tisserand et de celui d’un potier, « c’était le tour du martinet où l’on fondait et travaillait le cuivre, principalement pour fournir en Languedoc les plaques de cuivre utilisées pour la fabrication du verdet, [6] on faisait séjourner ces plaques dans le vinaigre. On fabriquait aussi au martinet tous les ustensiles pour la chaudronnerie de cuisine. La petite usine était installée sur une dérivation du Durzon. Elle était également curieuse à visiter quand on faisait la coulée du métal en fusion, ou quand on façonnait les pièces au marteau. On puisait le cuivre fondu dans le creuset, à l’aide d’une poche, pour le verser dans des moules plus ou moins profonds où il se solidifiait en disques plats en passant par toutes les nuances, du blanc éblouissant au rouge sombre.

Ces disques, portés ensuite au rouge cerise, étaient saisis entre deux pinces et amenés sous le marteau hydraulique. L’ouvrier, généralement sourd, manœuvrait sa pièce à l’aide des pinces sur l’enclume, en suivant le rythme du marteau. Le corps de ce marteau était une pièce de bois renflée par le haut, effilée vers le bas où elle était encastrée dans un musoir d’acier. Le manche du marteau était une poutre sur laquelle appuyait pour soulever le marteau une came placée sur l’axe d’une roue hydraulique. Après le passage de la came, le marteau retombait de tout son poids sur l’enclume et faisait jaillir, de la pièce frappée, un torrent d’étincelles dont il fallait garantir ses yeux. Tout à l’entour, pleuvaient les battitures, incomplètement refroidies.
Il y avait autrefois à Nant plusieurs martinets. Celui que nous visitions était demeuré le seul. Il est redevenu, depuis longtemps, muet. » (Merci à Madame Françoise Sauveplane née Bouty)

Monique et Alain BONNEMAYRE