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Cercle Genealogique de l’Aveyron
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Les six tours paysannes d’Arvieu
Article mis en ligne le 3 octobre 2016
dernière modification le 14 février 2020

par Jean DELMAS

Communication de M. Jean DELMAS, lors des JOURNEES GENEALOGIQUES DE L’AVEYRON le 11 septembre 2016 à Arvieu

Avec six tours refuges collectives, la commune d’Arvieu détient un record en Aveyron :
 Clauzelles
 Dours
 Dournet
 Paulhe
 Le Pouget
 Ventajou.
On a envie d’ajouter à la liste la tour de La Bastide (Salmiech), qui est non loin de Clauzelles. Aucune ne subsiste, à notre connaissance, mais une exploration attentive des vieux murs pourrait révéler quelques vestiges. Sujet archéologique donc et historique, mais aussi institutionnel, comme on le verra…

Sur la trentaine ou quarantaine de tours mentionnées en Aveyron, dans les archives, il n’en reste que quatre encore debout. Elles doivent sans doute à la solidité de leur construction d’avoir résisté à la destruction des hommes ou aux conséquences de leur abandon. Ce sont les tours de
 Mandailles (Nord-Aveyron)
 Martiel (Ouest),
 Hyars (Flavin, Centre)
 Peyrebrune (Sud-Aveyron).
Le cas de cette dernière est instructif : elle serait passée, avant 1465, d’un statut seigneurial (armoiries des Panat, encore visibles) à un statut collectif, mais sous l’autorité et le contrôle du seigneur.

En même temps que les tours refuges, on voit apparaître, aux XIVe et XVe siècles, surtout autour de Rodez, un grand nombre d’églises refuges : Sainte-Radegonde, Inières et Boussac, les plus connues, mais aussi Le Monastère, Luc, Vors, La Capelle-Saint-Martin, Saint-Georges-de-Camboulas, etc. Leur statut d’église et la qualité de leur architecture les ont préservées de la démolition.

Tours et églises refuges ont été bâties dans le même contexte historique. Quand la guerre de Cent ans (à partir de 1344), puis les incursions des routiers ont représenté une menace permanente pour les populations rurales, leurs personnes et leurs biens les plus précieux, il a fallu leur trouver un abri. A cette époque, la population a augmenté. Les vieux châteaux ne jouent pas toujours leur rôle d’asiles. Les villes et les bourgs, fortifiés à la hâte, et dont les portes sont vite fermées en cas d’alerte, ne peuvent accueillir les habitants des écarts trop éloignés. Il leur faut le temps de venir, quand ils ont été avertis du danger. On ne distingue pas toujours le réfugié de l’ennemi.

En outre, lors de la grande peste de 1348, la contamination peut venir de tous les côtés : de l’extérieur pour ceux de la ville, si elle n’est pas déjà atteinte ; et inversement, la ville est, du fait des contacts entre les individus, un lieu à haut risque pour les gens de l’extérieur, souvent protégés par leur isolement. La meilleure parade est la multiplication et la dispersion des refuges. Le clergé a autorisé, voire favorisé la construction d’églises refuges ou le rajout sur la nef d’un étage servant d’abri. Les paroissiens y tiennent alors en permanence, en prévision de surprises, des coffres avec leurs effets, des grains, de la charcuterie, des denrées, etc.. Sous l’Ancien Régime, les curés se plaindront parfois que certains y ont encore des réserves injustifiées, comme un droit acquis, alors que tout danger est écarté, et qu’ils traversent quotidiennement l’église pour y accéder, sans aucun respect pour la sainteté du lieu.

Nous avons moins de témoignages sur les tours refuges et sur celles d’Arvieu en particulier. D’abord le phénomène est parfois antérieur à la guerre de Cent ans : celle de La Bastide (Salmiech) est déjà mentionnée en 1264, celle du Pouget en 1268. Ces deux tours sont donc contemporaines des premières bastides rouergates. Le nom de la première conforte ce rapprochement.

Les quatre tours de Dours, Dournet, Clauzelles et Paulhe sont citées dans un document de 1404-1407. Elles semblent remonter au temps de la menace anglaise ou des routiers, c’est-à-dire vers 1344-1390. Il s’agit de concessions du seigneur d’Arvieu, qui rappelle d’ailleurs qu’elles sont de sa seigneurie et sous son autorité. Elles sont donc collectives et vassales. Le danger étant passé, leur construction étant hâtive et, peut-être, médiocre, elles semblent avoir disparu rapidement. Celle de Ventajou, qui n’est pas mentionnée dans la liste de 1404-1407, mais qui est très probablement contemporaine, est encore conservée, mais à l’état de masure, en 1663. Les guerres de religion ont pu inciter les habitants du lieu à la maintenir jusqu’au retour de la paix civile. Curiosité : les cinq tours de Dours, Dournet, Clauzelles, Paulhe et Ventajou sont alignées sur la hauteur au NO d’Arvieu et selon une orientation NE-SO.

Ce qui a été dit précédemment laisse deviner que le danger, ayant obligé les gens à s’éparpiller pour leur défense, a provoqué une relative autonomie de fait et que celle-ci a été l’occasion d’une émancipation. Le cas du hameau de Recoules, près de Moyarzès, bien connu grâce aux archives, permet de dresser une chronologie et un schéma probablement valables pour les tours d’Arvieu  :
 1255-le fief franc de Recoules relève de la seigneurie de Moyrazès et le noble vassal qui le possède a l’obligation du service armé (segoa)
 1379-la famille des tenanciers obtient du seigneur et des consuls de Moyrazès l’autorisation de construire une tour refuge en raison de son éloignement du bourg
 1380-le chef de famille, prétextant qu’il ne peut être en deux lieux à la fois, obtient d’être exempté pour dix ans du guet et de la garde à Moyrazès
 fin XIVe siècle-alors qu’il doit prendre sa charge comme consul désigné, il revendique son indépendance complète sur le plan fiscal et administratif…
Il est peu vraisemblable qu’il l’ait obtenue, la communauté du bourg étant plus réticente que le seigneur lui-même. Les conséquences de cette marche vers l’émancipation seront sensibles dans le découpage de la terre d’Arvieu. En effet, plusieurs portions du territoire qui avaient été dotées de tours (Clauzelles, Dours, Ventajou…) auront, en 1663-1668, leur propre compois (cadastres), ce qui prouve qu’elles avaient acquis une certaine autonomie administrative dans l’inventaire des contribuables et dans la levée de l’impôt foncier.

Dans une seconde partie de son exposé, Jean Delmas a traité des enquêtes linguistiques et ethnographiques consacrées à l’Aveyron, depuis la fin du XIXe siècle jusqu’à ces dernières années, et rappelé qu’Arvieu fit l’objet vers 1900 de deux monographies, dont celle d’Hippolyte Bonnefous, accompagnée d’excellents dessins à la plume. Son chapitre sur le mariage rapporte quelques usages, comme celui de la messe dite du cantatge, célébrée le lendemain du mariage, messe qui associe tous les défunts de la famille au départ d’une nouvelle cellule familiale. C’est la « grande famille », le lignage auquel l’épouse (la novia) est liée désormais. Bonnefous évoque cette pieuse coutume avec un respect admiratif.

Pour en savoir plus : Veuillez consulter notre étude complète publiée dans l’ouvrage ARVIEU des femmes, des hommes et leurs racines Disponible à notre local au prix de 20 euros (plus 7 euros pour éventuels frais de port) N’hésitez pas à contacter Magali au 05 65 60 07 79 Ou par mail : cga@genealogie-aveyron.fr