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Comparaison des actes d’état civil et des actes de catholicité durant la période révolutionnaire : Conques (Aveyron)
Article mis en ligne le 10 décembre 2016
dernière modification le 5 décembre 2016

par Patrick DELEPAUT

Comparaison des actes d’état civil et des actes de catholicité
durant la période révolutionnaire : Conques (Aveyron)

Mes activités de retraité m’ont amené à inventorier et archiver les registres de catholicité de Conques. Quelle n’a pas été ma surprise de découvrir que ces registres débutent en octobre 1792 et sont, depuis, tenus sans interruption. Disposer des registres de catholicité de la période révolutionnaire, même si ce n’est pas unique, demeure exceptionnel. Ainsi m’est apparue la possibilité d’étudier de manière comparative ces registres et ceux de l’état civil pour la fin de 1792 et une décennie correspondant à la première table décennale, 1793-1802.

Quelles différences vont présenter ces documents ? Le fait que les Conquois ont su cacher le Trésor sans qu’il y ait de fuite, la tenue ininterrompue des registres paroissiaux et des registres de catholicité, et donc la présence d’un prêtre, induisent-ils une unité villageoise très forte dans le respect de la religion ? Les actes qui ne respecteront pas cette unité sont-ils les témoins du rejet de la religion par certains ? Par ailleurs, l’étude attentive des actes nous apporte-t-elle d’autres enseignements ? Les différences sont-elles aussi sources d’informations ?

1 Le contexte, le cadre géographique, les limites.

a- les registres :
Pour répondre à ces questions j’ai donc dépouillé les deux registres d’octobre 1792 à décembre 1802. Le registre de catholicité commence par une page datée du 4 octobre qui atteste que MARTIN, procureur de Conques, reçoit de LAROUSSE, vicaire, les registres paroissiaux de 1602 à 1792.

Le premier acte qui suit cette décharge est précédé de la phrase : premier acte des baptêmes, mariages et sépultures « de 1792 depuis le commencement d’octobre, époque de l’exil de Me AYMÉ curé de la paroisse ». Ainsi, sans interruption, mais par un simple changement de support, on passe du registre paroissial au registre de catholicité.

b- la paroisse et le couvent :
La collégiale a été fermée en 1791, suite à la suppression des ordres religieux. Seul le vicaire poursuivra l’exercice public du culte jusqu’en 1793, puis de manière plus ou moins dissimulée. Le père AYMÉ, curé de Conques, réapparaît en 1798 et le vicaire LAROUSSE continue à signer quelques actes jusqu’en septembre 1800. Étrangement le père AYMÉ n’est pas cité dans « Al Canton » consacré à Conques.

Durant cette période, le Trésor a été « escamoté » à l’initiative du chanoine BÉNAZECH. Il est aidé par la supérieure du couvent, sœur LABRO, deux frères de la collégiale nommés aussi LABRO, l’abbé Jean-Baptiste COSTES ainsi que par trois laïcs, ANTERRIEUX, carillonneur et portier de l’église, NOLORGUES de L’Herm et BORIES. Nous retrouvons bien sûr certaines de ces personnes dans les actes.

c- l’administration
En 1790 les paroisses voisines de Montignac et de Saint-Marcel sont réunies à Conques pour former la commune. Un décret du 20 septembre 1792 crée l’état civil en confiant la constatation de l’état des citoyens aux communes. En 1800, Conques devient chef-lieu de mairie sans changer de périmètre. Toutefois, le dépouillement des actes d’état civil laisse penser que Sénergues relève aussi de cette mairie. Les chefs-lieux de canton assurent l’ensemble des mariages de leur zone de compétence du 22 septembre 1798 (1er vendémiaire an VII) au 26 juillet 1800 (7 thermidor an VIII).

Ce regroupement destiné à créer une commune a des conséquences particulières pour cette étude. En effet, le prêtre de la paroisse de Conques ne dessert, sauf exception, que cette paroisse...

2 Méthodologie.

Pour mener à bien mon analyse, il a fallu que j’écarte les actes d’état civil concernant les habitants des deux autres villages, et des hameaux et lieux dits qui y sont rattachés, Montignac et Saint-Marcel. Les curés de ces paroisses sont censés avoir enregistré les baptêmes, mariages et décès dans leurs registres.

De façon pragmatique, j’ai apparié les actes présents dans les deux registres, puis éliminés ceux, non appariés, concernant Montignac, Saint-Marcel et les autres communes des environs. Il apparaît ainsi que quelques actes débordent de l’espace initial. Mon analyse a donc porté sur Conques et les hameaux et lieux-dits relevant de cette paroisse :
 Le Bouriou (Del Riou)
 Les Calquières
 Camaly
 La Capelle
 La Crouzette
 La Croux-Torte
 Le Fraysse
 Goubert (Gouvert)
 L’Herm
 Jordy
 Les Launhes
 Louche
 La Ponsalarie
 Puech del Rat
 La Salesse
 Saury
 Molinols
 Fumat
 La Coste du Cendier
 Coste Sainte Foy.
J’ajoute que Le Palays et Faubourg sont évidemment des quartiers de Conques.

L’ensemble des dépouillements représente :
 pour les mariages, 95 actes dont 39 communs aux deux registres, 5 inscrits sur le seul registre de catholicité et 11 repris sur le seul registre de l’Etat civil. Un acte doublonne sur l’état civil (Jean MARTIN - Marguerite CAUSET, 22 novembre 1796).
 pour les naissances, 483 actes dont 197 communs aux deux registres, 25 sur les seuls registres d’état civil et 63 sur les seuls registres de catholicité. À noter un doublon sur le registre d’état civil pour une naissance (Marguerite VIGOUROUX, 22 octobre 1798).
 pour les décès, 488 actes dont 211 communs aux deux registres, 54 sur les seuls registres d’état civil et 11 sur le seul registre de catholicité. Nous relevons un doublon sur le registre d’état civil pour un décès (Alexis MARTIN / MARTY, 18 janvier 1795).

J’ai pris soin de relever les agents municipaux qui rédigent les actes. Il s’agit de :
 1793 : Bazile FABRÉ
 ans II et III : Hyacinte GARRIGUES
 ans IV et V : Joseph BAURS (signe aussi VAURS)
 an V : Jean-Pierre BOUDOU
 an VI : Antoine ANTERRIEUX
 ans VII et VIII : Jean FOURNIER (président), Baptiste DALMON, Pierre MADRIERES
 ans IX et X : Charles ANNAT

Pour des raisons pratiques, et notamment pour mieux analyser les naissances, je commence par les mariages.

3 Les mariages.

Un texte de 1792 interdit les mariages religieux en l’absence de présentation d’un certificat de mariage à la maison commune. Par la suite, un décret de 1793 prévoit que les prêtres qui marient des couples sans tenir compte du mariage civil préalable sont passibles de sanctions.

Pour ce qui concerne les mariages religieux, j’ai estimé qu’ils relevaient de Conques lorsque la future était de cette paroisse.

Jusqu’en 1798, aucun mariage ne se déroule dans un seul lieu, que ce soit la mairie ou l’église. À partir de cette date, il n’en va pas de même puisque en 1798, deux mariages ne sont célébrés que dans l’église (ROUQUETTE - GARRIGOUS et JOULIE - BORIES) et un seul en 1799 (BAXET - SELVES).

Le même constat est fait pour deux cérémonies en 1802. Toutefois, il n’est pas possible d’exclure que, dans quatre cas, le mariage civil ne se soit pas déroulé dans le village de l’époux (Grand-Vabre et Aubin). Mais pour deux cas, les couples BAXET – SELVES et PANISSIER – DELAGNES, les quatre personnes relevant de Conques, nous pouvons penser que, outre l’oubli toujours possible, les époux ont « évité » la mairie.

Pour ce qui concerne le passage à la seule mairie, nous relevons onze cas : neuf en 1799 et deux en 1802. L’épouse étant de Conques, un choix réfléchi peut être envisagé. La liste des époux permettra, si le couple décide de vivre à Conques, de vérifier l’absence de baptême pour les enfants. Il s’agit de : BARBES - ASTIÉ, BOYET - SELVES, TURLAND - MARTY, VIGOUROUX - CALMELS, LAGARDE - LADRECH, ANTERRIEUX - IZAC, DOUMERGUE - BORIES et PRADEL - COUDERC, puis SOUTOUL - DONNAT et CUSSAC - PRADELS.

Sur un autre plan, lorsque les deux célébrations sont faites, les mariages se déroulent quelquefois le même jour (12 cas de 1793 à juillet 1798). Plus surprenant, la cérémonie à l’église précède 13 fois la cérémonie civile (6 fois d’un jour et 7 fois de plus d’un jour), et ce, jusqu’en 1802 au moins. À l’inverse, et en respectant la loi, la mairie précède 14 fois l’église (3 fois d’un jour et 11 fois de plus d’un jour). Il faut souligner quelques cas particuliers :
 les mariages du couple IMBAUT – ARTIS qui ont lieu à l’église le 1er février 1797 et à la mairie le 1er mars 1798, soit plus d’un an après !
 les mariages du couple ARTIÉ – FRANCÈS sont célébrés à la mairie le 16 juin 1797 et à l’église le 12 avril 1799, presque deux ans plus tard ;
 les mariages du couple AGAR – GUIBERT se déroulent à l’église le 7 mai 1799 et à la mairie le 21 novembre 1799.
Pour le premier et le dernier cas, on peut supposer le rôle des traditions et une certaine opposition à la Révolution. Dans le deuxième cas, il est loisible d’imaginer un travail souterrain du prêtre pour conduire le couple à l’autel.

On constate, sans surprise, que l’avent et carême sont évités par les mariages à l’exception notable du couple CUSSAC – PRADELS qui ne se marie qu’à la mairie le 22 décembre 1802.

Certains agents municipaux ne sont témoins que lors de mariages civils : Bazile FABRÉ, Jean FOURNIER, Baptiste DALMON et Charles ANNAT. Les autres apparaissent aussi comme témoins dans des mariages religieux, notamment Jean-Pierre BOUDOU et Antoine ANTERRIEUX.

En outre, parmi les trois laïcs ayant pris part à « l’escamotage » du Trésor, il semble que deux d’entre eux se marient durant cette décennie (Géraud ANTERRIEUX, fin mai 1797, et Pierre NOLORGUES, début septembre 1798). Les deux passent à la mairie et à l’église. Une étude attentive des actes indique aussi que Géraud ANTERRIEUX est témoins à de nombreux mariages, aussi bien civils que religieux et notamment à l’occasion de cinq mariages uniquement civils, en 1799.

Au total, outre les erreurs de rédaction de nom, le fait que certaines unions ne sont enregistrées que sur un registre encourage le généalogiste à dépouiller les deux registres dans le cadre de ses recherches. À cela s’ajoute que si l’acte civil indique habituellement les dates et lieux de naissance des conjoints, l’acte religieux donne des précisions sur un éventuel veuvage, le lien familial de certains témoins et une indication de parenté plus ou moins lointaine en cas de dispense. Nous remarquons également que les témoins sont rarement les mêmes. Pour l’église, il s’agit préférentiellement de parents alors qu’à la mairie ce sont des amis.

On notera une formule qui m’a trompé, a priori, dans son interprétation. Elle émane de l’agent municipal Antoine ANTÉRIEUX qui, durant l’an VI, écrit à l’occasion des mariages : « ont déclaré à moi Antoine ANTÉRIEUX que ledit M M a espousé F F en légitime mariage et ont certifié conforme à la vérité ». Sur le moment je me suis dit qu’il validait le mariage à l’église, ce qui aurait été original. Ce n’était pas le cas puisque le premier mariage avec cette rédaction a eu lieu trois jours avant l’union religieuse.

4 Les naissances.

Pour l’anecdote, signalons que la première date républicaine apparaissant dans l’état civil, le 4 pluviôse an II (23 janvier 1794), concerne le baptême de Joseph BOUSQUET.

Présentation générale :
Sur la période étudiée nous dénombrons 285 naissances. Mais ce chiffre doit être affiché avec précaution, nous allons voir pourquoi.

Les naissances communes aux deux registres atteignent 197 actes. Ces 394 actes offrent, dans le cadre de cette étude, des informations intéressantes sans qu’elles soient originales. Les premiers actes de l’état civil, jusqu’à la fin 1792, montrent la difficulté de mettre en œuvre cette Révolution dans un petit village. En effet, ils reprennent l’indication des parrains et marraines, et sont donc des copies conformes de l’acte religieux. Les suivants, qui emploient le terme de « témoins », citent les mêmes personnes que l’acte de baptême. C’est avec le début de 1793 que l’on sent poindre une approche différente. Il importe de souligner immédiatement que les actes religieux indiquent le lieu-dit des intervenants, voire le quartier de Conques, alors que l’état civil se contente de citer la commune sans plus de précision. Par ailleurs, les femmes disparaissent des actes civils ! Les témoins sont des hommes. Et, comme déjà signalé pour les mariages, les liens familiaux sont exprimés quasi uniquement dans les actes de baptême.

Actes remarquables :
Quelques actes méritent d’être mis en avant :
 le 4 août 1794, Jean-Pierre FALISSARD est orphelin de père. La déclaration civile est faite par son frère de Molissols. Le registre de catholicité ne cite pas le parrain.
 le 16 décembre 1794, le père de Marie-Jeanne FRANQUES est absent lors de sa naissance. Son prénom n’est pas cité.
 le 30 août 1797, nouvelle naissance d’un orphelin de père, Jean Antoine FONTEILLES.
 le baptême de Marie Rose ANTERRIEUX, le 14 avril 1800 (elle est née et déclarée en mairie le 9 avril) dont la marraine est Rose de MIALET du château de Cours à Sénezergues en Auvergne, du diocèse de Saint-Flour. Elle est représentée lors du baptême.
 le baptême, le 15 août 1800, de Marie-Virginie RAYNAL, dont le père est médecin. Sa mère est née de SAINT-VINCENT. Ils habitent Paris. L’enfant est baptisé sous condition car elle a 3 ans, a été ondoyée par sa grand- mère, Barbe SELARAT, à sa naissance, «  faute de prêtre ».

 le baptême de Marie INCONNUE le 7 octobre 1801. Elle est dite « présentée par Jeanne CERLE, épouse d’Antoine ANTERRIEUX, vigneron ».
 la déclaration de naissance de Marie Jeanne BONAL, le 11 février 1802. Son père est décédé, en conséquence la déclaration est faite en mairie par son oncle Antoine.

Comparaison des actes de naissance à l’état civil et de baptême :
Il y a 197 actes en commun dont un en doublon sur l’état civil (Marie-Marguerite VIGOUROUX, née le 22 octobre 1798).
Jusqu’en décembre 1792, il n’y a pas de réelle différence entre les deux registres. Ainsi, par exemple, l’acte civil constatant la naissance de Marie-Jeanne FRANQUES, le 9 décembre 1792, indique comme témoin Marie Jeanne DELAGNES et précise : « marraine femme BANCALIS représentée par Marie BENAZECH de Labro  ». Or cet acte civil corrige une erreur de l’acte religieux : en effet l’acte de baptême donne Marie-Jeanne BANCALIS de Pruines comme marraine.

Ensuite, des différences notables apparaissent. Il demeure encore beaucoup d’actes pour lesquels le témoin, d’une part, et le parrain, d’autre part, sont les mêmes. Mais comme déjà signalé ci-dessus, les femmes disparaissent de l’état civil en tant que témoins alors que bien sûr elles demeurent en tant que marraines pour les baptêmes. L’analyse des témoins permet de mettre en évidence que le témoin dans l’acte civil est souvent l’époux de la marraine de l’acte religieux. Ainsi en est-il à la naissance, le 21 avril 1793 pour Antoinette ALRAN. Le témoin civil est Jean André MARTI, la marraine Antoinette LABRO, sa femme. Le même phénomène se produit avec les mêmes protagonistes, MARTI-LABRO, quelques mois plus tard pour la naissance de Marie Anne LABRO, le 18 juillet 1793. Lorsque cela n’est pas possible, c’est un frère de la marraine qui témoigne en mairie : exemple pour la naissance, le 14 janvier 1794, de Marianne MARTY, parrain-marraine Antoine FRAYSSE et Marie ANTERRIEUX, mariés, oncle et tante ; témoins François FRAYSSE et Pierre ANTERRIEUX.

Les actes civils donnent souvent les âges des père et mère, les actes baptismaux presque jamais. Tous indiquent le métier du père, mais selon le type d’acte on a des différences : cultivateur/vigneron, charpentier/menuisier, porteur/vigneron, on découvre même un décédé/sabotier !...

On constate que, jusqu’en 1798, il peut y avoir décalage entre la déclaration et le baptême, ensuite les deux « cérémonies » se déroulent le même jour. Au fil des pages du registre de catholicité, on trouve aussi, le 20 novembre 1793, un baptême dont « la cérémonie n’a pas été suppléée ». Pourtant Anne MAS a été déclarée à l’état civil un mois plus tard, le 20 décembre 1793 ! Cet acte est l’occasion de s’interroger sur la concordance des dates de déclaration et de baptême. Sauf une probable erreur du rédacteur, du 8 octobre 1792 à janvier 1796, il n’y a que peu d’exceptions à la double déclaration le même jour. Il ne s’agit d’ailleurs que d’écarts faibles. Pourtant une naissance sort clairement de l’ordinaire, à tel point que j’ai failli ne pas m’apercevoir qu’il s’agissait du même enfant. Antoine CLOT, fils de Jean-Louis ou Antoine et de Marie LABRO présente la particularité d’avoir été baptisé le 29 juillet 1797 et déclaré en mairie le 2 avril 1798 ! Un oubli rattrapé tardivement ?

On rencontre pourtant des écarts plus surprenants. Le cas particulier de Jean Pierre SERVIERES (EC 04/05/96, B 10/09/96) interroge. L’acte de baptême présente la particularité de porter une première date (10 septembre) barrée et remplacée par 4 mai. Or, cet acte se situe chronologiquement entre le 8 septembre et le 8 octobre 1796. On ne peut que supposer que le baptême a été réalisé le 10 septembre mais que, pour coller à la naissance et à la déclaration civile, le prêtre a antidaté l’acte de baptême.

Un autre exemple original : Marie Rose ANTERRIEUX est déclarée à l’état civil le 9 avril 1800. Or, l’acte de baptême, dressé le 14 avril, déclare « né du même jour ». Le prêtre semble ne pas souhaiter signifier que le baptême n’a pas été réalisé au plus tôt après la naissance. Quelques autres cas présentent des éléments semblables.

Les actes de l’état civil non repris dans le registre de catholicité :

Ils représentent 23 actes dont deux doublons. Le premier date du 12 octobre 1793. Il s’agit de Jean Antoine MARC, fils de Jean, 27 ans, vigneron, et Marie JOUÉRY, de Conques. Les témoins sont Jean MARTI et Jean Pierre BOUDON de Conques. Ensuite, il faut attendre 1796 pour rencontrer le deuxième et les suivants. Afin de rendre la lecture plus claire, je présente ces actes sous forme de tableau.

Date Prénom Nom Observations
12 octobre 1793 Jean-Antoine MARC
20 octobre 1796 Jean Pierre CUSSAC Jumeau de père inconnu
20 octobre 1796 Joachim CUSSAC Jumeau de père inconnu
11 juin 1797 Pierre CASSAGNES
20 juin 1797 Marie Ursule FRAYSSE
22 juin 1797 Jean MARC Frère du premier de la liste
25 juin 1797 François BURGUIÈRE Jumeau
25 juin 1797 Marie BURGUIÈRE Jumelle
27 juin 1797 Anne RAYNAL
21 août 1798 Marie Jeanne BORIES De père inconnu
25 septembre 1798 Pierre TARAL Également déclaré le 28/09
9 mars 1799 Jeanne MARTY
9 juin 1799 Antoine SERVIÈRES
25 septembre 1799 Toinette MARC Sœur des deux précédents
2 février 1800 Marie Jeanne BAJET
5 novembre 1800 Marguerite PUECH
22 novembre 1800 Baptiste RAYNAL Il n’est pas certain qu’il soit le
frère d’Anne, ci-dessus.
4 mars 1801 Jean-Antoine FRAYSSE Parents différents de Marie
Ursule, ci-dessus
22 septembre 1801 Antoine ÉCHE Déclaré aussi le 23/09,
problème de gestion des jours
complémentaires.
11 février 1802 Marie Jeanne BONAL
20 juin 1802 Marie CLERC
3 octobre 1802 Marie LOUBATIÈRE
19 novembre 1802 Marie Jeanne BATÉJAT

J’ai pensé utile de mettre cette énumération un peu longue pour aider à l’analyse. On constate la présence dans le seul état civil de deux jumeaux et d’un enfant nés de pères inconnus dont la situation de « pécheresse » des mères peut expliquer l’absence de baptême. Qu’en est-il des autres ?

Retrouve-t-on des enfants du même couple dans le registre de catholicité ? Oui, et quasiment toujours, même dans les cas des enfants du couple MARC – JOUÉRY que l’on retrouve parfois dans les registres de catholicité. Il en va de même pour les dénommés RAYNAL qui sont de familles différentes. Il n’y a donc aucun cas de la seule déclaration à l’état civil pour plusieurs enfants d’un couple.

Enfin, il est impossible de mettre en relief des couples qui ne baptisent pas leurs enfants après avoir refusé de passer à l’église lors de leur mariage. Rien ne peut être affirmé sur ce point car les mariages peuvent s’être déroulés ailleurs qu’à Conques.

Les actes du registre de catholicité non repris dans l’état civil :
En symétrie au paragraphe précédent, indépendamment des baptêmes des enfants trouvés, nous comptons 16 actes. Il s’agit de :

DatePrénom Nom Date Prénom Nom
02/93 Marie CLOT 09/99 Anne DELAGNES
04/95 Marguerite CASSAIGNES 09/99 Jean-Antoine ANTERRIEUX
10/95 Félix LASALLE 12/99 Jean-Antoine SELVES
05/96 Jeanne LISSORGUES 05/00 mort-né ROUX
12/96 Marie CIBIÉ 08/00 Marie Virginie RAYNAL
08/97 Jeanne GAFFARD 03/01 Marie-Marguerite MARTY
01/98 Pierre Alexis MARTY 03/01 Jean DAMOURS
04/99 Jean-Antoine VIGUIER 09/02 Pierre TARRAL

Nous ne retrouvons pas le nom GAFFARD dans l’autre registre, unique citation dans les registres, pas plus que DAMOURS, Jean est né à Saint-Amans de Rodez, chez PALOUS, rue Sainte Catherine.

Les enfants trouvés :
Nous arrivons maintenant à la partie la plus surprenante et la plus intéressante de cette analyse, les enfants trouvés.
Nous comptons onze enfants de père et mère inconnus repris dans les deux registres. Nous les citons plus loin. Ils sont repris dans l’état civil et donc réputés nés dans la commune.

Il n’en va pas de même pour les enfants trouvés, de père et mère inconnus, que je nomme « INCONNU  », qui ne sont pas nés à Conques et n’ont donc pas à apparaître dans l’état civil de la commune. Il me semble que l’officier public considère les enfants déposés à l’Hôpital comme issus d’une autre commune. Mais pour l’église, ce qui compte ce n’est pas le lieu d’origine mais le lieu du baptême. Un enfant trouvé est baptisé à Conques, le plus souvent donc à l’Hôpital. En conséquence, il est inscrit dans le registre de catholicité. L’importance de ce phénomène m’a surpris.

On compte 93 actes repris dans un seul registre. Vingt-huit sont dans le seul état civil. Nous y reviendrons. Par soustraction, vous devinez donc que 65 sont dans le seul registre des baptêmes. Et sur ces 65 actes, 47 concernent des enfants trouvés ! Nous reviendrons aussi sur les 18 autres. Mais pour l’instant penchons-nous sur ces 47 enfants trouvés de père et mère inconnus.

Le premier, en date du 1er octobre 1792, concernant Pierre dont le parrain est Pierre CHATEILLE de l’Hôpital de Conques. Il débute par la très surprenante mention suivante : « J’ai été prié de couché cet acte ici car il n’est nulle part » ! N’aurait-on pas ici un acte d’état civil par délégation témoignant des difficultés de la mise en œuvre des nouvelles règles de la gestion communale des naissances ? La fait que cet enfant soit indiqué comme né à Conques, et non trouvé à L’Hôpital, milite pour cette interprétation.

Les autres actes sont plus conformes à l’idée d’un registre des baptisés, quel que soit leur lieu de naissance. Le tableau suivant permet d’y voir plus clair :

Date Prénom Lieu Parrain ou marraine Lieu
01/10/1792 Pierre Conques Pierre CHATEILLE l’Hôpital de Conques
01/03/1793 Marie Jeanne l’Hôpital de Conques Marie Jeanne l’Hôpital de Conques
01/07/1793 Michel l’Hôpital de Conques Pierre CHATEILL l’Hôpital de Conques
13/07/1793 Damien l’Hôpital de Conques Joseph SOUTOUL l’Hôpital de Conques
19/02/1794 Luce
15/01/1794 Luce l’Hôpital de Conques
01/05/1794 Marie Anne l’Hôpital de Conques
04/07/1794 Bernard l’Hôpital de Conques Pierre BOSREDON l’Hôpital de Conques
16/02/1795 André l’Hôpital de Conques Antoine FLAUGERGUES l’Hôpital de Conques
17/03/1795 Marie l’Hôpital de Conques
02/08/1795 Anne l’Hôpital de Conques
12/08/1795 Joachim l’Hôpital de Conques Joseph SOUTOUL l’Hôpital de Conques
14/10/1795 Marie l’Hôpital de Conques
06/11/1795 Marie Anne l’Hôpital de Conques
30/01/1796 Guillaume l’Hôpital de Conques Guillaume "pauvre" l’Hôpital de Conques
01/05/1796 Georges l’Hôpital de Conques Joseph SOUTOUL
12/05/1796 Antoine l’Hôpital de Conques Joseph DELAGNES
07/06/1796 Marc l’Hôpital de Conques Jean BARDOUIN l’Hôpital de Conques
18/06/1796 Joseph l’Hôpital de Conques Joseph SOUTOUL l’Hôpital de Conques
10/12/1796 Jean Pierre Conques Jean MARTY Conques
12/12/1796 Joachim l’Hôpital de Conques Joseph SOUTOUL l’Hôpital de Conques
25/09/1796 Marie Anne l’Hôpital de Conques
07/12/1798 Ambroise l’Hôpital de Conques Joachim DELAGNES l’Hôpital de Conques
03/01/1799 Colomban La Bessenoit de Firmi
06/01/1799 Marianne La Bessenoit de Firmi
14/05/1799 Jean l’Hôpital de Conques Joaquim DELAGNES l’Hôpital de Conques
30/09/1799 Anne Anne MARTY Labro de Saint Cyprien
09/10/1799 Denis
12/11/1799 Joseph l’Hôpital de Conques Joseph VIGOUROUX l’Hôpital de Conques
28/11/1799 Jacques Conques Jacques MARTY Conques
03/12/1799 Marie l’Hôpital de Conques
17/12/1799 Marguerite l’Hôpital de Conques
14/01/1800 Marguerite Conques Jeannette LACOMBE Conques
18/02/1800 Marie l’Hôpital de Conques Marie FOURNIE Conques
02/03/1800 Jean l’Hôpital de Conques Jean BAREDON l’Hôpital de Conques
05/03/1800 Géraud l’Hôpital de Conques Géraud VIGOUROUX l’Hôpital de Conques
05/03/1800 Marie Conques Marie CARLES Conques
18/03/1800 Anne Faubourg de Conques Anne PIGNAN l’Hôpital de Conques
27/04/1800 Anne Faubourg de Conques
27/06/1800 Jean Antoine l’Hôpital de Conques Jean BOISREDON l’Hôpital de Conques
28/06/1800 Marianne Conques
25/08/1800 Jacques l’Hôpital de Conques Jacques MARTIN Conques
07/08/1801 Marie Conques
09/10/1801 Pierre Conques Joachim SOUTOUL l’Hôpital de Conques
24/03/1802 Jeanne Conques
23/06/1802 Antoine Conques Antoine LAGARRIGUE Conques
12/07/1802 Jeanne Conques

On remarque que la liste ne présente pas de prénoms originaux. À quelques exceptions près, les parrains et marraines sont de L’Hôpital de Conques. De manière surprenante, ils ne donnent pas systématiquement leur prénom aux enfants qu’ils parrainent. Enfin, ils sont suffisamment nombreux pour être assurés que les baptêmes ne font pas problème dans la communauté locale.

À l’exception d’un enfant, les autres sont des nouveau-nés. On peut donc faire une analyse des mois de conception de ces enfants. La cohorte dont je dispose n’est pas assez nombreuse pour, me semble-t-il, tirer des conclusions de ces chiffres.

Mois de naissance Nombre d’enfants Mois de conception Mois de naissance Nombre d’enfantsMois de conception
janvier 5 avril juillet 4 octobre
février 3 mai août 3 novembre
mars 6 * juin septembre 2 décembre
avril 1 juillet octobre 5 janvier
mai 4 août novembre 3 février
juin 5 septembre décembre 6 mars

* Un enfant de 4 mois renvoyé dans la colonne décembre. À noter des jumeaux nés au mois de décembre.

Enfin se pose la question de retrouver les parents de ces enfants. Dans la plupart des cas c’est strictement impossible. Toutefois j’entrevois quelques pistes pour quelques-uns d’entre eux. Il s’agit toujours de cas particuliers : un enfant baptisé avant son abandon à L’Hôpital, un enfant présenté par sa grand-mère, dont le nom n’est malheureusement pas cité, et des enfants dont les mères ont fait la déclaration de grossesse. Si mes recherches aboutissent dans ces directions, elles feront évidemment l’objet d’un article.

Par ailleurs, il faut revenir sur quelques actes civils concernant des enfants trouvés. Il s’agit de huit actes qui possèdent bien sûr leur corollaire au registre de catholicité :
 Joseph déclaré le 5 février 1794 parrain Joseph DELAGNES, témoins François ESCUDIER, Antoine NOLORGUES et Guillaume BOUSCAL ;
 Marguerite déclarée baptisée le 3 février 1797 et déclaré à l’état civil le 16 février 1797 ;
 Joseph, déclaré le 4 mars 1797 ;
 André baptisé le 9 mars et déclaré le 19 mars 1797 ;
 Bernardin baptisé et déclaré le 7 juin 1797 ;
 Joachim, déclaré le 21 juillet 1798, baptisé le 3 août 1798 ;
 Marguerite déclarée le 24 juillet 1798 et baptisée le 7 août 1798 ;
 Catherine, le 20 janvier 1801 ;
 Catherine le 18 mars 1801 ;
 Jean-Pierre le 28 juillet 1801,
 Marie le 21 août 1801.

Au total, pour ce qui concerne les naissances assez peu de particularismes hormis une piste majeure pour les enfants trouvés de père et mère inconnus qui ne sont le plus souvent repris que dans le registre de catholicité.

5 Les décès.

En première analyse, les décès sont majoritairement repris dans les deux registres.

Sauf de rares exceptions, les inscriptions sont rédigées à la même date pour les deux actes jusqu’en 1793. Au-delà de cette année, et notamment à partir de novembre 1794, il y a le plus souvent un ou deux jours d’écart entre l’état civil et le registre de catholicité. Et c’est assez logique : l’état civil enregistre le décès, l’acte catholique signale les obsèques. Aussi est-ce souvent le lendemain ou le sur lendemain du décès que les obsèques ont lieu.

J’ai dénombré 488 actes sur la période étudiée dont 211 repris sur les deux registres. En conséquence, en ne tenant pas compte d’un doublon sur l’état civil (Alexis MARTIN le 18-01-1793), soixante-cinq actes ne relèvent que d’un seul registre. Il s’agit de 54 actes sur le seul registre de catholicité et 11 sur le seul état civil.

Les actes remarquables :
Je n’ai pointé que de rares actes surprenants.
 le 12 octobre 1795, décès et obsèques de Jeanne MAFFRÉ, fille de 70 ans. Le registre la dit originaire de La Gineste de Grand-Vabre, l’état civil la fait résider à L’Hôpital de Conques. Les actes indiquent respectivement « trouvée morte dans le creux d’un arbre » et « trouvée dans une cave d’arbre, échappée de l’Hôpital ».
 le 19 novembre 1797, décès de Marie Agnès LOUBET, fille âgée de 20 ans. Elle est originaire de Monjau en Corrèze. Mais le registre de catholicité, qui ne connait pas les nouveaux départements situe cette paroisse en Gévaudan.
 le 28 mars 1800, découverte du corps de Jean Antoine ISSALY. Il était disparu depuis le 24 mars et son corps est retrouvé noyé dans le Dourdou au pont de « Mollisols  » de Conques.
 le 24 mars 1801, décès et obsèques de Barbe GORGONE, dite DELAVAL par le registre de catholicité, originaire de Laric en Lorraine. Elle est veuve d’un baron, ancien prévôt de maréchaussée et réside à Conques. L’état civil la dit bourgeoise et cite ses parents, Pierre DELAVAL et Barbe THOMAS de LA TOUR.
 le 5 décembre 1801, décès et obsèques de Jean BOISREDON qui vivait selon l’église à L’Hôpital de Conques « où il s’est donné » et, selon la mairie, au Mas de Saint Julien d’Arjac « où il était hospitalier ».

Les actes de l’état civil non repris dans le registre de catholicité :
Il s’agit, comme indiqué ci-dessus, de 11 cas.
 le 01-10-1794 Catherine BALITRAN, 41 ans, veuve de Jean LACOMBE de Tendols de Conques.
 le 22-04-1795 Marguerite CASSAIGNE, moins d’un an. Elle n’apparait que dans les actes civils de naissance.
 le 09-06-1797 Michel CAVANAC, 5 ans. Pas de trace de sa naissance en 1792.
 le 30-06-1797 Marie Ursule FRAISSE, née le 20 juin, elle n’est reprise que dans l’état civil.
 le 09-07-1797, Marguerite CAMPERGUES, qui n’apparaît pas dans les actes étudiée.
 le 15-10-1799, Marianne MARTY, veuve de Pierre LAGARRIGUE, de Marcous de Conques.
 le 19-02-1800, Antoine BRUGUIÈRE, 70 ans.
 le 29-07-1800, Anne FALISSARD, 7 ans, pas de trace de sa naissance en 1793.
 le 25-02-1801, décès de Marie DUPLINS, 72 ans, de Rousy.
 le 24-07-1802, décès de Marie CLERC, du Crouzet, dont on retrouve la naissance dans le seul registre communal, le 20 juin 1802.
 et le 03-11-1802, Jeanne FERRIÈRES, 48 ans, couturière, femme de Louis CRAYOL.

Rien ne peut être avancé pour les adultes mais pour les enfants en bas âge une présomption de refus de la déclaration à la paroisse peut être supposée.

Les actes de catholicité non repris dans l’état civil :
53 actes comparés aux 11 repris dans le seul registre d’état civil !

La plus grande partie concerne les enfants de pères et mères inconnus : 19 cas. Les 34 restants montrent quelques éléments saillants.

D’abord la répétition de quelques noms dans le temps. Parmi ceux-ci citons BAZET en 1794 et 1802 pour des enfants de 2 et 4 ans, dont un obit sur l’acte de baptême. DELAGNES en 1801, MARTY en 1797, 1799, et 1802, ROUX en 1799 et 1800 et, enfin, VIGOUROUX en 1800 et 1801.

La mention d’obit sur l’acte de baptême est prépondérante pour les enfants morts en bas âge. Nous notons 35 obits associés à l’acte de baptême.

Conclusion :

En conclusion, si l’on dispose de deux, voire quatre sources (l’état civil comme le registre religieux sont rédigés en double exemplaire), ne jamais hésiter à lire tous les actes dont on dispose pour un même évènement. Cette proposition n’a rien de neuf. Pour l’Ancien régime on rencontre souvent des différences entre les registres 4E et 2E (paroisse et greffe du tribunal).

Un apport important de cette analyse consiste dans la « ségrégation » dont font l’objet les enfants trouvés. Comme ils sont considérés originaires d’une autre commune, ils ne sont repris que dans le registre de catholicité dans le cadre de leur baptême.

Enfin, la comparaison de l’ensemble des données relatives aux familles et personnes qui n’apparaissent que dans le registre d’état civil permet-elle d’avancer un rejet clairement lisible de la religion ? Dans un environnement encore très catholique malgré la Révolution, ces choix très probablement raisonnés permettent de cibler les personnes et familles probablement athées. Mais elles sont très peu nombreuses et clairement investies dans la direction de la commune durant la période la plus noire de la Révolution.

Je précise que mes analyses ont été réalisées en appariant les actes concernant les mêmes personnes. La publication des deux registres dans les données du CGA ne permet pas de disposer de ces comparaisons. Aussi, je suis prêt à envoyer le fichier correspondant à ceux qui me le demanderaient via le secrétariat du CGA.

Patrick DELEPAUT