De Castelnau fait partie des souvenirs de jeunesse de nombreux Aveyronnais.
Durant mon enfance, au cours de visites à vélo à Saint-Affrique, je découvris d’abord une rue au bord de la Sorgues portant ce nom, puis une plaque posée sur une maison ayant vue sur la rivière.
C’est là qu’au XIX siècle le Général De Castelnau serait né.
Je demandai à mon grand-père de me raconter le récit de la grande guerre dont on célèbre cette année le centenaire de fin.
Je découvris les souffrances et les peurs de poilus. Je reliai leurs actes aux noms inscrits sur les monuments aux morts de nos villages.
A l’adolescence, je devinai que le nom de nombreuses familles connues se trouvait là.
Le récit grand-paternel me fit découvrir que les ordres des grands chefs de l’état major ne tenaient pas compte de la vie de la troupe et de sa survie.
Une question se posa sur l’attention portée à ces paysans, bourgeois et ouvriers et à ces jeunes de toutes conditions ou religions.
Au sens du devoir et à l’obéissance disait mon grand-père, répondaient la gloire des chefs et leur promotion.
De Castelnau, ne fut que rarement cité dans tous ces récits qui ont marqué mon enfance. Il ne faisait pas partie de ceux qui étaient soupçonnés d’agir pour leur gloire au détriment du bien des soldats.
Plus âgé, j’appris un jour qu’une statue équestre de ce glorieux général allait être érigée dans le jardin public de Saint-Affrique.
Lors de cette inauguration, la question sur la personnalité de cet officier était sévèrement posée. A tel point, qu’un groupe de contestataires souilla la statue avec le contenu des encriers de l’école voisine.
Le temps passant, je découvris des rues à Nancy, Millau, Paris portant l’identité du Général.
Mais ni boulevard, ni place, ni avenue, seulement des rues sans grand intérêt.
Jusqu’au jour où, un lointain successeur du député De Castelnau, M.Grès, auteur et ancien militaire, devenu député à son tour me fit savoir qu’il travaillait à la réhabilitation du fameux général.
Je connaissais des jeunes descendants, portant le même nom et jouant au football à Saint Affrique. Lorsqu’ils étaient interpelés par les arbitres, on omettait la particule.
En effet, on ne parlait jamais du glorieux ancêtre. La simplicité et la chaleur de nos rapports ne nécessitaient pas qu’on se posa la question.
Beaucoup plus tard, Président de la fondation Charles De Gaulle, je me déplaçai à Nancy à la rencontre du Président du conseil scientifique de cette institution.
J’écoutai son récit historique expliquant la bataille du grand couronné.
Il dit : « Je fais du Vauban » forte colline au milieu de la Lorraine.
Ainsi, De Castelnau avait compris que Nancy était le dernier point de blocage d’une éventuelle percée allemande.
Il y fortifia la position, imaginant que les troupes prussiennes (comme mon arrière grand-mère les appelait en souvenir de la guerre de 1870) pourraient passer par là. Le choix fut bon et la bataille du grand couronné eut lieu, De Castelnau l’emporta et l’armée allemande ne déferla pas par cette route vers Paris.
Edouard De Curières de Castelnau, beaucoup moins connu en France que les très grands noms de la Grande Guerre, Joffre, Foch et Pétain fut le seul général à commander une des cinq armées d’août 1914, Il occupa en novembre 1918 un poste au sein du commandement.
Joffre, Foch et Pétain, vont se voir élever à la dignité de Maréchal de France.
Lyautey, Franchet d’Espèry Fayolle attendront 1921 pour être nommés Maréchal.
Ensuite Gallieni le fut à titre posthume.
Castelnau ne connut aucune élévation. Pourquoi ?
Aujourd’hui si je vous demande : « Que s’est il passé en 14 ? », vous me répondrez : « La bataille de la Marne »
Cette victoire effaça dans la mémoire collective les autres batailles.
Parmi celles-ci, la bataille de Morhange. La deuxième armée de De Castelnau en Lorraine reçut le baptême du feu sur la frontière, son repli est limité. En même temps, les troisième et quatrième armées à la demande de De Castelnau continuèrent leur retraite avant de se rassembler avec la cinquième et la neuvième qui étaient repliées au sud de la Marne.
Pendant ce temps la deuxième armée du Général Aveyronnais a déjà arrêtée les troupes bavaroises du Kronprintz. De là, elle va protéger le flanc droit des armées françaises en septembre 1914 pendant la bataille de la Marne.
Mais la mémoire populaire se souviendra davantage des taxis parisiens que du flanc de Lorraine.
Dès le début de 1915, Joffre commandant en chef décida d’attaquer les lignes défensives allemandes, depuis le nord de la France jusque dans les Vosges.
Ces attaques ne produisirent aucun recul important chez l’ennemi.
La seule opération réussie, qui inquiéta le commandant en chef allemand fut celle de De Castelnau. Ces avancées furent occultées.
Ces batailles sur le front de l’Est furent par la suite déterminantes. La puissante percée allemande fut stoppée grâce aux batailles de la Touée de Charmes et celle de Nancy.
Castelnau comprit longtemps avant les autres que l’on ne gagnerait pas une guerre de tranchées, mais qu’il faudrait envisager une guerre dynamique et mobile. Il suggéra de porter une partie de la guerre en Orient. Il doubla l’offensive en Orient, lançant en septembre 1915 une grande opération en Champagne marquée par des succès importants.
En 1916, Castelnau fut nommé chef de l’état major général. Il profita de ce commandement pour mettre en place des mesures essentielles qui plus tard sauveront Verdun.
En novembre 1918, il s’apprêtait à lancer une offensive déterminante en Lorraine, qu’il dut suspendre le 11 novembre 1918 pour les raisons que l’on imagine.
L’opinion publique le reconnaît et l’apprécie. Elle sait qu’il a tout fait pour économiser le sang de ses hommes. Conscient de cette popularité et d’avoir répondu à la nécessité absolue de contenir les troupes allemandes, il déposa sa candidature aux élections législatives qui suivirent la guerre.
En retrouvant sa déclaration de candidature, on découvrit sa motivation essentielle. Il s’agit dit-il : « de s’acquitter de la dette impérissable que nous autres chefs avions contractée vis-à-vis de ceux que nous avions eu l’honneur de commander »
D’illustres politologues, dont René Rémond ont examiné de très près les propos et les positions de De Castelnau dans son rôle de parlementaire. Ces études effacèrent des années d’anathèmes contre lui. On découvrit ainsi, ses relations avec Georges Mandel, haut responsable des associations catholiques.
En 1920, avec Mandel, il jeta les bases d’une plateforme politique, l’Action Nationale Républicaine. Très curieusement, elle donna un aspect précurseur à celle du RPF en 1947.
Fait ignoré ou peu décrit, il fut en rapport avec un certain Général De Gaulle. Comment ce lien s’est-il tissé entre les deux hommes ?
En fait, le rédacteur en chef de l’Echo de Paris, André Pironneau publia près de quarante articles sur la motorisation de l’armée.
En réalité, ces lignes furent écrites par Charles De Gaulle.
Mais qui est André Pironneau ? C’est l’ancien assistant parlementaire de De Castelnau, leurs rapports sont particulièrement étroits. C’est en 1940 que le rapprochement intellectuel entre De Gaulle, De Castelnau et Pironneau sera le plus fort. La correspondance de De Castelnau témoignera de cette communauté de pensée : le refus de l’armistice, la poursuite de la guerre dans l’Empire, l’acceptation de la position anglaise à Mers-el-Kébir.
De Castelnau fut un des rares à avoir entendu l’appel du 18 juin.
Il en tira la conclusion « De Gaulle est dans le vrai »
Par la suite, Charles d’Aragon, chef du réseau « Combat » dans le Tarn, écrivit que le général De Castelnau adhéra entièrement à la résistance.
De la constitution des premiers mouvements résistants, à l’occupation nazie il cacha des armes dans sa propriété de Montastruc-la-Conseillère près de Toulouse.
Le grand âge du Général l’empêchant de participer directement aux combats libérateurs, c’est la génération de ses petits-fils qui porta les armes en ces lieux et places.
Parmi les membres de sa famille Urbain de la Croix, premier en âge à se battre, fit part de son souhait au déjà vieux général « de rejoindre la France libre »
Il écrivit à un de ses fils : « Nous trouverons bien le moyen de l’expédier sur les ports du sud ou de l’Espagne ».
Deux ans plus tard, il favorisa la constitution d’un réseau de départ pour l’Afrique du Nord. En 1943, il fit passer clandestinement la frontière espagnole, à son autre petit-fils Gérard De Castelnau.
En 1945, un autre membre de la lignée Urbain fut tué en traversant le Rhin et Gérald fut grièvement blessé.
Hélas le général De Castelnau ne verra pas la Libération, il s’est éteint dans son sommeil le 18 mars 1944. Discret, lors des heures les plus sombres de la guerre 14-18, la date de son décès explique cette même discrétion alors que toute l’actualité était consacrée aux combats de la Libération.
En 1918, l’armistice raviva pour de nombreuses familles françaises, une difficile période de deuil. Il fut enfin possible de se rendre sur les tombes de ceux qui furent tombés au combat. L’échelle des massacres engendra de redoutables problèmes pour les pouvoirs publics et militaires. En 1915, une première règle fut éditée : conserver les dépouilles à proximité de la zone des combats. Il fut alors décidé : que tout soldat mort au combat doit reposer dans une concession individuelle au sein d’un cimetière militaire. Tant que la guerre dura, l’opinion l’accepta, mais l’armistice venu, nombreux sont ceux (y compris au sein du gouvernement) qui s’insurgèrent contre cette règle. Il fallut répondre à des centaines de milliers de demandes pour faire le deuil. C’était impossible, tant que les défunts n’étaient pas revenus chez eux.
Le gouvernement se tourna alors vers De Castelnau. Ce même gouvernement qui lui refusa son bâton de Maréchal, le sollicita « en faisant appel au sentiment très élevé de son devoir envers la France » Il présida alors la commission nationale des sépultures militaires. Castelnau ironisa « Ils m’ont fait Maréchal des morts ». C’est le seul qui parvint à faire accepter à l’opinion les décisions prises. La première réunion de la commission donna le ton, Louis Barthou et Paul Doumer s’y déchirèrent. Le premier ne s’était jamais remis de la mort de son enfant unique en décembre 1914 au point qu’il se retira de la vie publique jusqu’en 1917, il voulut que son fils reposa dans le caveau de famille. Paul Doumer lui répondit que les siens au nombre de quatre ne pouvaient être séparés de leurs camarades. Castelnau tenta de réconcilier l’inconciliable. A cette présidence difficile se heurtèrent de nombreuses commémorations. Souvent Castelnau dépassa ses deuils familiaux. Il ne les cita jamais et célébra nos fils. Il conclura un magnifique discours au monument commémorant la bataille de la Marne.
« Nos fils sont morts, vivent nos fils »
Il ne considéra jamais que le tribut payé par sa famille lui conférait une place à part, lui donnant des honneurs particuliers. C’est pourtant un thème que certains de ses adversaires utilisèrent de façon abjecte. Durant la campagne électorale de 1924, un tract mit en cause la victoire de Nancy de 1914, et ajoutait que son autorité n’était faite que par l’exploitation qu’il fit de la mort de ses trois fils. Un journal satirique l’accusa même d’avoir offert cinquante francs pour qu’on lui rende le corps d’un de ses fils tombé entre les lignes. L’article fit l’objet d’un procès en diffamation et le journal fut sévèrement condamné.
En 1919, il détonna par sa verdeur physique et intellectuelle. Il s’attrista de l’atmosphère du conseil supérieur de la guerre ou Foch et Pétain se disputèrent pendant que Joffre somnolait.
Il entra à la chambre bleu-horizon au sein du parti majoritaire de la Fédération Républicaine. Ce mouvement regroupant les catholiques libéraux et sociaux ralliés à la République. Lorsqu’il fit son entrée à la Chambre, la paix fut signée avec l’Allemagne désarmée face à une France surarmée. La neutralisation de l’Allemagne fut une illusion. Il avait constaté que la France avait un monceau d’armement suranné : les fusils, fusils mitrailleurs, mitrailleuses étaient obsolètes. Il savait que la traction hippomobile devait être remplacée par le moteur. Quant aux chars produits, ils présentaient des faiblesses mécaniques, et l’aviation se démodait très vite. Certes l’Allemagne au terme du traité, n’avait droit qu’à une armée de cent mille hommes, mais le gouvernement Allemand allait en faire une pépinière de cadres pour la suite.
Reste l’épuration budgétaire, elle fut insoluble. La France fut à bout, 500.000 maisons détruites, trois millions de terres agricoles inutilisables, trois mille kilomètres de voies ferrées à refaire. En 1921, la production nationale industrielle est encore inférieure d’un tiers à celle d’avant-guerre. L’endettement atteignit des sommets vertigineux. L’inflation galopa, les prix ont été multipliés par six par rapport à 1913. il n’y avait donc aucune capacité pour les forces armées. La réduction du budget militaire, devint une variable d’ajustement. L’opinion publique assoiffée de paix préféra l’utilisation d’armes largement dépassées à un renouvellement pourtant indispensable des stocks.
Le chef d’état major des armées, le général Buat fut conscient des risques pour la paix. La France n’eut pas les moyens pour répondre à sa demande. Castelnau, dans un esprit différent, estima que la France devrait disposer de soixante divisions en cas de conflit. Il n’hésita pas à postuler pour la présidence de la commission de l’armée. Les bancs de l’Assemblée étaient occupés par d’anciens combattants dont beaucoup d’anciens militaires de carrière. Castelnau bénéficia d’une très grande notoriété qui transcenda les courants politiques. En 1920 lorsqu’il monta à la tribune pour son premier discours une formidable ovation monta vers lui. De nombreux auteurs saluèrent cette capacité qu’il eut de ne plus être un militaire égaré en politique. Ils virent un vrai dirigeant de la droite, ayant des relations très cordiales avec les meilleurs politiques du Parti Radical.
Comme l’écrivit le sénateur radical de la Vienne, François Albert, "le général De Castelnau posséda une dextérité parlementaire et une maitrise de la tribune qui lui permirent de faire les démonstrations les plus difficiles avec une bonhomie certaine. Il décida l’Assemblée d’adopter un service de 18 mois en prononçant les paroles suivantes " A nos portes politiquement mal fermées, vit et travaille un peuple de 60 millions d’âmes, déjà redoutable par son expansion économique. Cette double puissance, politique et économique, est appelée à connaître une troisième puissance, la puissance militaire ; c’est la loi de l’histoire, en particulier de la Prusse". Il joua un rôle important lors de la normalisation des relations entre la République et le Vatican. Passant outre la résistance du Sénat à majorité radicale et anticléricale, Briand nomma un ambassadeur en 1920 auprès du Saint-Siège. A nouveau Castelnau agit en médiateur et ramena le Saint PèrE à des attitudes moins dogmatiques. Dans cette action discrète il trouva l’appui de Georges Mandel. Mandel très décrié dans l’opinion, ses contemporains tinrent contre lui des propos antisémites. L’ambassadeur Chauvel le dépeignit comme "petit, laid et juif et de modeste origine". Castelnau et Mandel furent d’accord, pourtant l’un était (Castelnau) la bête noire de Clémenceau, l’autre (Mandel) son éminence grise. Mandel fit un discours pour répondre à Herriot qui était violemment anticlérical. Pendant trois heures il ne put pas s’exprimer. Le socialiste Alexandre Varenne multiplia les critiques antisémites et l’attaqua sur son physique, le député socialiste Bon, prolongea les insultes. Au bout de trois heures sans avoir pu placer un mot, Mandel descendit de la tribune sous de maigres applaudissements dont ceux de De Castelnau.
Ils en tirèrent l’un et l’autre un rapprochement, un pré programme de gouvernement s’élabora. Très curieusement on y trouva les grands principes de la 5ème république on commença à parler de Castelnau comme possible ministre de la guerre. Les présidents du conseil successifs hésitèrent, craignant un règlement de compte avec Pétain actif avec Foch dans diverses instances. Castelnau apparut de plus en plus comme celui qui pouvait le mieux incarner le bloc national. C’est ce que pensa Léon Blum dans la Revue Hebdomadaire, dixit Léon Blum : "De Castelnau à la finesse matoise, du sens politique et du cran". Par la suite Castelnau se rangea dans une franche opposition. Cela le fit passer pour un réactionnaire obtus.
Nous arrivons à la période contemporaine ; le général De Castelnau continua à cristalliser un petit noyau acharné contre lui. La dernière mesquinerie remonte à juillet 2012. la nouvelle promotion de l’Ecole Spéciale Militaire de Saint-Cyr s’est choisie un nom : "Général de Castelnau". Le choix mit un terme à 70 ans d’exclusion. En effet la direction avait à de nombreuses reprises dû s’incliner devant une puissante coalition d’influence. Le ministre de la Défense, Gérard Longuet, valida le souhait des élèves. Mais la majorité changea, et le successeur Jean-Yves Le Driant, fut mis en demeure par le Canard Enchainé de s’y opposer. Pour en finir la promotion s’appellera « Général et sous-lieutenant De Castelnau ». Il s’agit de Xavier, le fils Saint-Cyrien tombé à Morhange.
Alors Castelnau s’engagea sur la bataille des idées, en défendant les idées les plus progressistes. Son univers familial fut proche des idées d’Albert de Mun et de Jacques Pion. Il désarma l’action française dont il dénonça l’approche réductrice de la religion. C’est la période de l’Eglise de Léon XIII et de l’encyclique "Rerum Novarum". Les positions progressistes qu’il prit, surprirent. Dans l’écho de Paris, il explicita ce choix. Sur une tribune avec Léon Blum il s’expliqua : "Quoi le repos des ouvriers ? Quoi des congés payés ? Quoi des conventions collectives professionnelles ? Cela me rappelle ma jeunesse". "Ceux sont les noms de La Tour du Pin et de Mun" qui reviennent à la pensée. Il soutiendra les votes pour les propositions du Front Populaire, sauf celles sur les 44 heures. En 1936 Castelnau revint de Rome, il dénonça les dérives autoritaires de Mussolini ; il ne variera pas sur son antifascisme. Vis-à-vis d’Adolphe Hitler il fut encore plus virulent, alors que nombre d’hommes politiques français furent encore circonspects. Alors qu’une partie de la droite française tomba dans le piège de propos antisémites, il eut la sympathie de cette communauté. Et pourtant le Général De Castelnau a toujours collé à lui cette étiquette de nationaliste.
Alors qu’ une bataille d’idées formidables fut livrée entre ceux qui pensèrent que la paix triompherait, Castelnau s’opposa à ce pacifisme issu d’une partie du catholicisme. Un enchainement de deuils très proches, le conduisit à un anniversaire de ses 80 ans particulièrement triste. Des amis de Francisque Gay l’attaquèrent. Il dénonça l’angélisme de ceux qui avaient mis leur énergie au service de la Russie, de l’Allemagne et de l’Italie, enfin Castelnau prit une position sur la France libre. Deux des petits-fils du général lui demandèrent de les aider à passer la frontière espagnole pour rejoindre les forces françaises libres du général De Gaulle. Ils furent arrêtés en Espagne et restèrent emprisonnés plusieurs mois. Franco sachant de qui il s’agissait ne fera rien pour les libérer.
A propos des rapports concernant l’Allemagne, en 1936, De Castelnau pressant que sans réaction de la France l’occupation de la rive gauche du Rhin risque de conduire à une situation périlleuse, dû au décalage entre l’armement allemand et français. Il sut que la position du ministre Anglais Chamberlain étaient de ne pas s’opposer à Hitler. Il sut aussi que laisser la Pologne être envahie sans réaction de la France fut un signe fort de l’avènement total d’Hitler. De Castelnau dit " La France est en retard d’une année, d’une armée, d’une idée". Il analysa la psychologie des Anglo-Saxons notamment des Américains et pensa à juste titre que ceux-ci n’interviendraient qu’après les élections de 1940.
Quand la guerre éclata, il porta un jugement sévère sur celui qui dirigea les armées françaises, Gamelin. L’organisation du commandement comportait des inerties ubuesques. Après son indécision pour attaquer sur la Marne au début de la guerre 1914-1918, l’avis de Gamelin à propos de la Rhénanie, de ne pas intervenir, de son refus d’entrer en Belgique, puis faire le contraire. En 6 semaines l’Allemagne écrasa tout le dispositif français.
Il partagea des idées avec l’équipe éditoriale de l’Echo de Paris constituée notamment par : Henri de Kerillis, Pierre Lazareff, Raymond Cartier, Paul Reynaud et un certain colonel De Gaulle. Il eut la conviction partagée avec De Gaulle qu’avec l’appui des alliés, la France devait finir par être dans les pays vainqueurs ce qui était l’essentiel. De Castelnau prit alors ses distances avec ceux qui rallièrent Vichy. Il condamna totalement l’appel de Pétain du 17 juin. Il évoqua Bazoche et imagina que Pétain devait passer en conseil de guerre. Il refusa dès novembre 1940 d’assister à la première manifestation publique à Toulouse. Or Pétain se rendit à l’Académie des Jeux Floraux, et Castelnau en fut le président. Chacun savait que le général habitait une propriété à Montastruc-la-Conseillère. A 92 ans Castelnau, trop âgé pour s’engager, soutenait ceux qui agissaient dans la résistance,. En contact avec le colonel Pélissier qui lui demanda de cacher armes et munitions à Montastruc. Il établit une filière d’évasion, deux de ses petits-fils et deux de ses neveux en âge de se battre, passèrent en Afrique du nord et ils participèrent à la campagne de France. Il soutint le Cardinal Saliège qui dénonça la déportation des juifs et des exécutions nazis.
Le 18 mars 1944, le général décéda dans son sommeil, à l’âge de 93 ans. Les autorités furent dans l’embarras. Monseigneur Saliège décida de présider lui-même les funérailles.