par Monique et Alain BONNEMAYRE , Suzanne BARTHE
Alors que l’association "SAUVEGARDE DU PATRIMOINE CULTREL IMMATERIEL du PAYS DE MILLAU" œuvre pour la candidature de Millau au classement à l’UNESCO" au titre du Patrimoine Immatériel pour "Les savoir-faire liés à la ganterie", (Cf.http://www.genealogie-aveyron.fr/spip.php?article1539) nous remercions Monique et Alain de nous avoir transmis ce témoignage du passé : Emma Thiéry. La ganterie familiale.
Emma Thiéry avait 88 ans, en 1997 lorsque Monique et Alain ont recueilli ce témoignage. Elle vivait depuis longtemps déjà en maison de retraite ; tout en s’excusant d’avoir oublié les dates, elle témoigna de sa vie de gantière en famille.
Son père, Benjamin Gineste, avait été mobilisé à Nant pendant la guerre de 14-18. Le pays lui plaisait, il a décidé d’y rester et de s’installer avec sa famille à l’atelier de St-Martin, où il fabriquait des meubles simples ou sculptés au ciseau.
Les filles Gineste, Emma et sa sœur Marguerite sont donc allées à l’école de Nant, puis quelques années en pension à Millau.
Voulant travailler, elles ont appris à coudre les gants chez une voisine, Mme Jouffrey. Elles sont rapidement devenues « entrepreneuses en ganterie » pour des maisons connues de Millau. Elles utilisaient une machine réalisant « le piqué anglais » plus fin que « le piqué sellier » pour l’assemblage du gant et, pour le poignet, une machine surjetait la fente, une autre retournait le bord. Les finitions étaient faites à la main. Devenues expertes, elles ont travaillé pour des maisons qui faisaient le gant de luxe.
La guerre 39-45 réduisit leur activité : manque de commandes, difficulté à se procurer du fil…
Emma raconte : « Mon mari, Emile, venait de l’Aube où il travaillait dans la bonneterie. Il est très habile manuellement. Après la guerre, nous avons décidé de fabriquer entièrement nos gants. Un coupeur venu de Millau a appris le métier à Emile. Ma sœur et moi, nous avons formé des ouvrières ». Il a fallu presque une dizaine d’années pour avoir une bonne équipe.
L’entreprise est toujours restée familiale. Chacun avait son rôle selon ses compétences : Emile coupait les gants tout en initiant des ouvriers au métier ; en plus de la formation des ouvrières, Marguerite s’occupait de la vente, elle voyageait beaucoup et Emma tenait la comptabilité.
« C’est nous, les femmes », dit encore Emma, « qui allions acheter les peaux d’agneau, de chevreau, de mouton, de pécari, toujours du premier choix, à Millau, l’endroit noir, blanc ou de couleur mais l’envers blanc ».
Elle raconte que pour une commande, elle avait besoin de peau rouge. Chez son peaussier habituel, on lui présente un lot de peaux rouges de toute beauté. Méfiante cependant, alors que l’employé était occupé avec un autre client, elle frotte doucement l’envers d’un coin de peau sur sa main qu’elle a mouillée. « J’avais la main toute rouge, j’ai annulé ma commande, il a compris ; je ne voulais pas de peaux qui déteignent ». Emma était aussi exigeante sur la qualité du travail des ouvrières que sur celle des peaux. Les ouvrières s’en plaignaient parfois, mais quand l’une d’elles voulait travailler ailleurs, sachant d’où elle venait, on l’embauchait tout de suite. Emma est fière de dire : « Nous étions une référence ».
Les gants étaient vendus au magasin à côté de l’atelier, sur la place du Claux. Marguerite visitait sa clientèle, créée par le bouche à oreille ainsi que les relations en région parisienne et aussi dans l’Est, grâce à son amie Juliette Eisenmann (au centre de la photo) à Belfort. Beaucoup de commandes aussi par courrier, les gants étant expédiés par la poste.
Emma et Marguerite avaient créé un modèle original avec des jours, comme dans la lingerie. Il fallait travailler sur l’envers avec des aiguilles triangulaires très fines et piquer « entre peaux » pour qu’on ne voie pas les points sur l’endroit. Couture de grande précision pour ne pas traverser la peau ! Elles ont refusé de vendre l’exclusivité de ce modèle, craignant une baisse des prix en cours de contrat.
A la ganterie de Nant, on a fabriqué des gants courts ou longs, même au-dessus du coude pour les grandes occasions, des gants en « pécari véritable », sorte de sanglier d’Amérique du Sud, pour la conduite automobile. Le cuir de pécari était particulièrement souple et élastique, les automobilistes l’appréciaient pour le contact précis du volant et des leviers.
On a fabriqué, pour l’été, des gants dont le dessus était crocheté en fils de coton par Jeannette Mazerand, des gants d’escrime (on n’en faisait qu’un), le dessus rembourré de plusieurs épaisseurs, le dessous très fin pour garder toute la sensibilité, et des gants « sur mesure » pour les mains plus longues ou plus larges que la moyenne.
Dans les meilleures périodes, la ganterie a compté jusqu’à soixante ouvrières, à l’atelier ou à domicile. Le plus grand regret d’Emma, c’est que son neveu, Noël, qui devait continuer l’entreprise familiale, n’ait pu le faire. Il avait été reçu deuxième au CAP et était le seul apprenti formé chez un artisan, tous les autres venant des usines de Millau.
Comme ailleurs les commandes de gants, produit de luxe, se sont raréfiées ; il a fallu petit à petit réduire les activités et le personnel pour tenir, tant bien que mal, jusqu’à la retraite.
Noël Thiéry n’a fait des gants que quelques années ; il a continué à tenir le magasin, vendant des vêtements, de la maroquinerie, des cuirs et des peaux de décoration jusqu’en 1980.
Le père Gineste travaillait beaucoup pour les églises, il a été mobilisé pour la guerre de 14-18, à la scierie Luche à Nant, et il venait de Villefranche de Panat, Emma avait 7 ou 8 ans. St-Martin, ancien martinet était vide, il s’y est installé avec sa famille.
M Gineste est décédé en 1934, il avait 66 ans (1868-1934), alors qu’il terminait la construction de sa maison au centre du village.
Mesures pour les peaux et les gants, en pieds (mesures anglaises) et pouces et lignes ; le modèle en carton c’était le calibre.
Nous avons créé un genre de broderie : 3 nervures qui garnissaient le dessus de la main, broderie avec une machine à 5 aiguilles. Nous avons voulu faire des jours en travaillant à l’envers. Il fallait piquer entre peaux pour qu’on ne voie rien à l’endroit. Hermès voulait l’exclusivité du modèle. Ma sœur était pour, moi contre. Il fallait un contrat de plusieurs années, il y avait le risque de faire baisser les prix.
Emile Thiéry né en décembre 1917, décédé en juin 1997. Marguerite Gineste née en novembre 1911, décédée en mars 1991. (Aima) Emma Thiéry est décédée en octobre 1998. Noël Thiéry est décédé le 7 septembre 2008 à l’âge de 62 ans.
Famille GINESTE
I.GINESTE Pierre, tisserand x avec Marie ALIBERT, domiciliés à La Capelle Farcel, aujourd’hui commune d’Alrance.
II. GINESTE Michel x le 24.01.1741 à Villefranche de Panat, Fijaguet, avec Marie TERRAL.
III. GINESTE Joseph x le 04.02.1788 à Canet de Salars à Marianne ROUQUIER, née le 29.04.1765.
IV. GINESTE Joseph, cultivateur x le 11.11.1829, à 36 ans, à Villefranche de Panat, Peyrebrune, avec Marianne LACOMBE, 23 ans.
V. GINESTE Benjamin Célestin, cultivateur x le 22.11.1865 à Villefranche de Panat, la Besse, avec Marie Rosalie BOUDES, couturière.
VI. GINESTE Benjamin Antoine, né le 26.03.1868, veuf en 1ères noces de Marie Bonnefous x avec Louise Marguerite LACAN, 19 ans, couturière, demeurant au Truel, publication de mariage du 20.07.1908 à Villefranche de Panat.
VII. GINESTE Aima Benjamine Germaine, née à Villefranche de Panat le 17.09.1909 x le 03.05.1941 à Nant avec THIERY Emile
Et GINESTE Louise Marguerite, née à Villefranche de Panat le 12.11.1911 x le 15.03.1943 à Nant avec THIERY Marceau Louis, le frère d’Emile.
Fijaguet, Peyrebrune, la Besse sont des hameaux de la commune de Villefranche de Panat.