
par Monique BRUNEL , Monique et Alain BONNEMAYRE , Suzanne BARTHE
Nos amis Monique et Alain BONNEMAYRE avaient rencontré Pierre et Janine MARTIN, alors que ces derniers souhaitaient évoquer l’historique de leur maison sise Faubourg-Bas à Nant. Pierre et Janine venaient y passer tous les étés, puis regagnaient leur résidence principale à Toulouse.
Lorsqu’un préfet napoléonien construit sa résidence secondaire à NANT....
La maison située au 27, rue du Faubourg-Bas à Nant, présente une discrète particularité qui mérite toutefois attention.
La porte d’entrée de cette maison est surmontée d’une pierre en grès portant la date de l’An XII. Fait assez rare, peu d’édifices en effet portent une date du calendrier révolutionnaire. Cette particularité est unique à Nant pour que l’on s’interroge sur l’origine de cette inscription.
L’An XII commence en septembre 1803 pour s’achever en septembre 1804. C’est durant cette année que Napoléon Bonaparte, Premier Consul est proclamé Empereur des Français le 28 Floréal de l’An XII (18 mai 1804).
Dès son origine cette maison était côté rue constituée de la façade actuelle du 27 et d’une écurie vraisemblablement surmontée d’un fenil sur l’emplacement de l’actuelle maison mitoyenne du 25.
Côté jardin, (vers la Condamine), la maison présentait une grande façade de deux étages sur terrasse et jardin, comportant sur chaque étage 5 fenêtres avec balcons. L’écurie a été démolie. A sa place la maison du 25 a été édifiée dans les années 1930.
En 1976, le propriétaire Théophile MARTIN étant décédé en 1973, la demeure a été divisée en deux maisons distinctes entre ses fils Jean et Pierre. Côté rue Faubourg-Bas le 25 et le 27. Côté jardin, la terrasse, le jardin et la façade constituent désormais deux habitations distinctes.
Pourquoi cette demeure porte-elle la date de construction An XII selon la datation du calendrier révolutionnaire ? Et qui a fait construire cette demeure dans une contrée peu particulièrement ouverte aux idées de la révolution ?
Des recherches effectuées par Jean-Pierre MARTIN, fils de Pierre MARTIN, ont permis d’établir que c’est Jean Pierre CHAZAL homme politique, grand serviteur de l’Empire qui a fait construire cette demeure. Ces premières recherches effectuées par Jean-Pierre MARTIN ont servi de base à notre étude.
Jean Pierre CHAZAL est né le 1er mars 1766 à Pont-Saint-Esprit (Gard). Son père, Pierre CHAZAL, né le 15.10.1734 est notaire à Pont-St-Esprit, sa mère est Rose CARMAND. Jean Pierre est le petit-fils de Jean Antoine CHAZAL et de Marie CAMPROUX.
Il est, avant la Révolution, avocat au parlement de Toulouse. Il est élu député de la Convention par le département du Gard. Il vote la mort de Louis XVI, avec sursis le 20 janvier 1793.
Il est le représentant en mission de la Convention pour les départements de l’Aveyron, du Cantal, de l’Ardèche et du Puy de Dôme. Les représentants en mission veillaient au maintien de l’ordre, à l’application des lois dans les départements. L’action de Jean Pierre Chazal fut saluée pour sa modération dans un temps où régnait la Terreur.
Il siégera au Conseil des Cinq-Cents d’octobre 1795 à décembre 1799. Il en assurera la présidence durant 29 jours de septembre à octobre 1799 et sera remplacé dans cette fonction par Lucien Bonaparte.
Opposant acharné des Jacobins, il soutient le Directoire et le 18 brumaire de l’An VIII, il se prononce en faveur de Napoléon Bonaparte. Il fait partie de la commission qui rédige la Constitution de l’An VIII. Il est nommé membre du "Tribunat" lors de sa création en 1800. [1]
Nommé préfet des Hautes-Pyrénées en 1802 il le demeurera jusqu’en 1813. C’est lorsqu’il est préfet des Hautes-Pyrénées qu’il fait construire sa maison de Nant (1804), un an avant son mariage.
Le 30 thermidor de l’An XIII (18 août 1805), Jean Pierre CHAZAL épouse Marie Françoise Palatine DELAVILLE de MIREMONT à Tarbes.
Marie Françoise Palatine Delaville de Miremont est la fille de Jean Ignace DELAVILLE de MIREMONT & de Jeanne GAILLARD. Elle voit le jour le 1er janvier 1788 à Montauban, Tarn-et-Garonne, où elle est baptisée le 2 janvier 1788. [2]
Elle décèdera le 22 janvier 1883 à Bayonne, Pyrénées-Atlantiques, à l’âge de 95 ans. Elle y sera inhumée le 28 janvier 1883. [3]
De cette union six enfants vont naitre :
– Jeanne Laure CHAZAL voit le jour le 11 frimaire an XIV (2 décembre 1805) à Tarbes. Elle décèdera le 5 juillet 1842 à Schaerbeek, Bruxelles (Belgique) à l’âge de 36 ans. Elle avait épousé le 18 avril 1827, à Bruxelles, Charles François BOUYET (1797-1873).
– Pierre Emmanuel Félix CHAZAL, Baron Chazal. Né le 1er janvier 1808 à Tarbes, Hautes-Pyrénées. Il décèdera le 25 janvier 1892 à Uzos, Pyrénées-Atlantiques, à l’âge de 84 ans. Officier de carrière. Marié le 30 mai 1829, à Liège, Belgique, avec Marie Élisabeth Thérèse Élise GRAFF (1813-1892).
Pierre Emmanuel Félix CHAZAL joue un rôle actif dans la Révolution Belge de 1830 qui conduit à l’indépendance de la Belgique. Il sera général de l’armée belge, Ministre de la Guerre de 1847 à 1850 et de 1859 à 1866. Il fut le confident des rois Léopold Ier et Léopold II. Une statue à sa mémoire est érigée à Bourg-Léopold et une avenue porte son nom à Schaerbeek. Un grand tableau peint par Gustave Wappers, accroché au Musée des beaux-arts de Bruxelles le représente à cheval au milieu de nombreuses scènes de la révolution belge de 1830.
Le titre de baron, qui avait été conféré à son père par le gouvernement français, a été reconnu par arrêté royal du 12 août 1857 en sa faveur, avec transmission à ses quatre fils, qui, à leur tour, le transmettront par ordre de primogéniture (Borel d’Hauterive)
– Charles Jean Félix CHAZAL voit le jour le 23 février 1810 à Tarbes. Avocat. Marié le 18 juin 1866 à Londres, Royaume Uni, avec Catherine Rosinna Abraham ANSELL.
– Gustave Félix CHAZAL, né le 7 avril 1813 à Mirande, Gers. Probablement décédé en bas-âge
– Charlotte Olympe CHAZAL. Née le 30 mars 1815 à Cazes-Mondenard (Tarn et Garonne). Mariée le 21 juin 1836 à Cazes Mondenard avec Jean Baptiste Ferdinand CONSTANS. Elle décède, veuve, le 30 Janvier 1902, âgée de 86 ans, en son domicile à Montauban, rue Soubirous bas.
– Marie Julie Adèle CHAZAL Née le 29 juin 1816 à Cazes-Mondenard. Mariée le 20 août 1834, à Cazes-Mondenard, avec Raymond Mathieu MONMAYOU, né à Paris, 2ème arrondissement en 1797. [4] De leur union naîtra : Anatole MONMAYOU (1836-1909) Marié avec Julie Urcenaire MERCIER (1850-1927). Marie Julie Adèle CHAZAL décède le 15.02.1897 veuve, à l’âge de 81 ans, à Varaire, Cazes-Mondenard.
En 1813 Jean Pierre CHAZAL est nommé préfet des Hautes-Alpes, il le restera un an, jusqu’à la chute de Napoléon.
Durant les Cent jours (1815) il est nommé préfet du Finistère.
Après le retour de Louis XVIII ses biens sont confisqués, dont sa maison de Nant. Il doit s’exiler en Belgique où il ouvrira un commerce.
Il rentre en France en 1830 après la Révolution. Par décret de Louis Philippe il est admis à la retraite de préfet.

Jean Pierre CHAZAL meurt le 23 avril 1840 à Bruxelles. Ainsi que l’atteste la retranscription de son acte de décès, que nous produisons ci-dessus, il résidait alors au Château de Mondenard qu’il avait acquis en 1812. [5]
Jean Pierre CHAZAL avait été promu Officier de la Légion d’Honneur le 23 juillet 1808 [6] et fait Baron d’Empire par Napoléon le 13 août 1810.
Les raisons précises de sa venue à Nant, qui fut pour lui et sa famille une résidence secondaire, ne sont pas établies avec certitude. Plusieurs hypothèses peuvent être émises :
– Jean Pierre Chazal a été député du Gard, les liens entre Nant et ce département limitrophe ont toujours existé.
– Lorsqu’il fut représentant en mission de la Convention, notamment pour l’Aveyron, a-t-il trouvé en Nant, lors de ses déplacements dans le département un lieu de villégiature agréable ?
– La tradition orale voudrait que Jean Pierre Chazal fût parent du notaire qui demeurait au 29 rue du Faubourg-bas, maison mitoyenne de celle qu’il fit construire.
Comme il est précisé ci-dessus, cette maison a subi des transformations importantes au cours du siècle précédent.
Tout d’abord l’écurie fut détruite pour construire, dans les années 30, la maison en façade du 25.
Puis dans le cadre d’une succession la maison fut divisée en deux habitations distinctes dans les années 1970. Des travaux importants modifièrent, outre des éléments de décoration, l’agencement des pièces.
Dans sa conception initiale cette grande demeure était constituée d’un vaste hall. De ce hall un escalier de pierre conduit au premier étage. Cet étage desservait une grande salle à manger, deux salons, (les plafonds de ces trois pièces étaient décorés de peintures rupestres), et une cuisine avec souillarde. Un escalier de pierre éclairé par une verrière donnait accès au deuxième étage. Un long couloir équipé en son centre d’une fontaine donnait accès à 7 chambres, (2 côté rue et 5 côté jardin) et à un grenier.
Au rez-de-chaussée, sous la terrasse se trouvaient les communs servant de logement aux domestiques. Le jardin d’environ 400 m2 avait en son centre un grand bassin ovale. Cette vaste demeure pouvait être qualifiée d’hôtel particulier ou pour le moins de maison bourgeoise.
Pierre MARTIN a remis à Monique et Alain cet historique détaillé écrit par son fils Jean-Pierre MARTIN décédé en 2020 à l’âge de 69 ans.
En 2024 Pierre et Janine sont restés à Nant et résident à présent à la Maison de retraite. Monique et Alain voient souvent Pierre dans le village, et très peu Janine avec son déambulateur.
Comme nous l’avons vu, la maison de Pierre Martin et Janine Dumazer a été construite en l’an 12 (1804) par un préfet napoléonien des Hautes-Pyrénées pour en faire une résidence secondaire. Après quelques conflits avec Pierre d’Icher de Villefort, [7]ean Pierre CHAZAL l’a vendue à un peintre de Montpellier qui en a décoré les plafonds. La maison a dû être vendue plusieurs fois.
Puis le père de Pierre MARTIN l’a achetée. La maison a été partagée en deux entre lui et son frère Jean. Du côté de Jean, le plafond était en mauvais état, il a été refait. Du côté de Pierre, il a cassé une cloison qui séparait un salon dont le plafond était peint et la cuisine qui avait un plafond blanc. La cuisine a été aménagée côté rue à la place d’une chambre. Il y a trois chambres à l’étage au-dessus. Les deux portes qui reliaient le salon d’origine à une grande salle à manger côté Jean ont été condamnées. et remplacées par deux placards-bibliothèques. Quant aux peintures, il ne reste qu’une plaque au-dessus de la porte d’entrée.
Théophile Alexis Aloyse MARTIN [8] le père de Pierre Martin, l’a achetée dans les années 30. Il était né à Vedènes (Vaucluse) le 1er avril 1883. Militaire il venait au camp de la Cavalerie et descendait à Nant où il avait fait la connaissance de Jeanne VALDEBOUZE, fille des épiciers de Nant [9], qu’il a épousée le 21 avril 1908. Il était alors maréchal des logis au 38e régiment d’artillerie de Nîmes.
– Un premier fils, Raymond est né à Nant le 15 janvier 1909. Il décèdera à Bordeaux le 25 décembre 2001.
– Un second, Jean, est né à Nant le 1er février 1920, le couple était alors domicilié à Issoire (Puy de Dôme) et Théophile était lieutenant. [10]
– Le troisième fils, Pierre est né en 1926, il épousera Janine DUMAZER, fille de Georges et Jeanne, qui tenaient le "Grand Café" à Nant
Bonne lecture !