Les généalogistes du Sud Aveyron sont intéressés par Roquefort parce que ce lieu constitue une référence importante dans la vie de nos ancêtres qui exerçaient divers métiers en rapport avec les caves de Roquefort.
Les contrats de mariage font état des brebis apportées en dot et laissent présumer l’existence d’un troupeau ; il y a les inventaires d’ustensiles de laiterie et nous imaginons nos ancêtres, bergers de troupeaux , affairés à la traite, confectionnant les fromages et les confiant finalement pour affinage à quelque " trafiquant ".
La production du fromage de roquefort rythme la vie de nos villages et , au bout de tout, c’est Roquefort qui tranche dans le cadre d’un droit d’exception où la qualité est un enjeu entre les mains de la justice et des services de la répression des fraudes.
La situation des paysans est misérable : en 1800 une brebis produit en moyenne 16 litres de lait par par an , elle fournit un agneau et un peu de laine . Pour survivre il faudra créer des prairies artificielles , faire la sélection des brebis laitières et lorsque les troupeaux auront augmenté ,il faudra construire des bergeries et inventer de nouvelles machines. Pour le paysan l’élément important sera la maîtrise foncière mais la terre arable en Sud Aveyron n’est pas extensible.
A Roquefort on ne produit pas de lait . On va affiner et conserver les fromages dans des conditions qu’on imagine mal .
Pour les travailleurs c’est un peu " le bagne " : imaginez les conditions de travail des " cabanières "...obscurité , froid , humidité ... de même les " rouliers " qui passent l 5 à 20 heures par jour sur leurs charrettes Du côté des exploitants des caves , c’est une lutte farouche où la " sacra auri fames " bouleverse chaque jour les situations acquises. Roquefort est un univers impitoyable où les dynasties vont de projets grandioses en faillites retentissantes , dues souvent à l’intervention de l’Etat.
Oui le Roquefort est une affaire d’état . Sa qualité de " Roi des fromages " et de " fromage des Rois " lui vaut ce privilège ! Je voudrais donc vous inviter à porter un regard neuf sur le fromage de roquefort en me tenant sur les sommets ( depuis Montclarat dont la source permet aux hommes ivres de retrouver la raison .. .)
L’histoire de l’innovation c’est un peu l’histoire de l’intelligence et du cœur de notre petit pays obligé de devenir génial pour survivre .
Le défi présente plusieurs aspects :
– la maîtrise d’un processus naturel : Le rocher du Combalou respire et dans une atmosphère à 95% d’humidité et à une température d’environ 80, l’air est chargé d’une moisissure , dite mycelium glaucum . Le défi consistera à utiliser un phénomène naturel dans le cadre d’un projet industriel où les quantités traitées seront cent fois plus importantes qu’en 1800 ( 20 000 tonnes aujourd’hui )
– La protection juridique de l’appellation sous l’autorité personnelle des rois de France et ensuite d’institutions républicaines, avec un droit d’exception qui deviendra le modèle des systèmes de protection des marques dans le monde moderne
– L’utilisation , sans cesse améliorée , du travail des champignons et de la flore du lait . Le mycelium ( glaucum, niger et candidum ) est actuellement la règle pour tous les fromages. Demain l’utilisation des champignons révolutionnera le reste de l’agriculture .
– La création d’un organisme de régulation : l’interprofession avec la formule du calcul du prix du lait . C’est la mise en Ouvre d’une forme de participation .
Date | Auteur | Innovation à Roquefort |
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Préhistoire | La légende | Dépôt dans la fleurine de fromage et de pain |
1er siècle après JC | Pline l’Ancien | Classement des meilleurs fromages vendus à Rome |
1060 | Frottard de Cornus | Mention (contesté) du roquefort à livrer aux monastères |
1411 | Charles VI | incessibilité des fromages déposés dans les caves |
1439 | Etienne Coupiac | Privilèges attachés au dépôt du fromage dans les caves |
Le lieutenant du bailli prélève 1 fromage pour l’entretien du château | ||
1457 | Charles V1I | Lettres patentes confirmant les privilèges |
1666 | Parlement de Toulouse | Jugement relatif à l’appellation « Roquefort » |
1753 | Marcorelle | Etude par un membre de l’Académie Royale des Sciences |
1533 | Casanova | Roquefort et Chambertain pour restaurer l’amour ! |
1800 | Producteur | Ensemencement du mycelium glauque (pain moisi) |
1840 | Rigal | Vaste opération financière sur la totalité des caves |
1850 | Etienne Coupiac | Découverte du bienfait du piquage |
1852 | Etienne Coupiac | Essai de monopolisation par la Société des Caves Réunies |
1874 | Etienne Coupiac | Mise au point de machine à vapeur pour raclage et piquage |
1906 | Paul Lebrou (ing A&M) | Exposés et publications sur le froid industriel utilisé depuis 1895 |
1910 | Henri Michel | Mise en Ouvre de l’énergie Hydroélectrique |
Electrification de la ligne Béziers Neussargues créée en 1874 | ||
1928 | Masclet | AOC Roquefort et suppression des caves bâtardes |
1920 à 1969 | Léon Freychet | Etudes . Modernisation Concentration |
1938 | Léon Freychet | Création de la formule du prix du lait |
Henri Michel | ||
1964 | Gabriel Migayrou-Lebrou | Procédé du cuvier . Traçabilité .Centrales laitières (1975) |
1965 à 1975 | Charles Delmas | Généralisation de la traite mécanique |
1960 à 1970 | Dutheil | Création de laboratoires. Travail sur le « mycelium roqueforti » |
1990 | Maurice Labbé | généralisation des procédés de froid à la ferme |