Charles GINISTY est né le 8 mai 1864 au Colombier, commune de St-Saturnin de Lenne, paroisse de La Roque-VALZERGUES, en terre caussenarde, berceau de sa famille depuis des générations. Il était le douzième des quatorze enfants de Jean-Joseph, Adam GINISTY et d’Ursule CASSAGNE. Sa mère, chrétienne à la foi enracinée, prodigue d’attentions pour chacun de ses enfants mais aussi pour les plus démunis de son village, meurt alors qu’il n’a pas encore cinq ans. Pendant quelques années, Lucie, cadette de la famille apporte aux plus jeunes une douceur toute maternelle avant d’entrer au noviciat des filles de la charité à Marseille. Deux de ses frères deviendront missionnaires dans des contrées lointaines dont l’Australie.
De l’école primaire de St-Saturnin en passant par le petit séminaire de Rodez, puis à St-Sulpice à Paris, Charles GINISTY suit la voie qui mène au sacerdoce. Son ordination a lieu à Rodez le 22 septembre 1889, il vient d’avoir 25 ans. Mgr BOURRET, évêque de Rodez, grande figure de l’épiscopat d’alors, l’envoie au Séminaire Français de Rome. Il y reste deux ans et en 1891, l’abbé GINISTY revient docteurs en Théologie et en Saint-Thomas.
Pour un jeune prêtre c’est un rare bonheur de pouvoir vivre à Rome plusieurs années. Curieusement, de ce séjour Romain il n’a jamais beaucoup parlé. Son goût pour la musique le porte à s’intéresser à la réforme naissante de la musique sacrée, encouragée par le pape Pie X. Choisi comme maître de chapelle de la chorale du séminaire, son talent s’exerce notamment lors d’un congrès rassemblant à Rome les plus grands sommités musicales de l’époque.
De retour à RODEZ, Charles GINISTY sera pendant sept ans le secrétaire particulier de Mgr BOURRET, personnalité forte, ancien professeur de philosophie à la Sorbonne. Il en gardera l’empreinte toute sa vie. Pendant cette période, on retrouve l’abbé GINISTY à des postes très divers, aumônier d’un pensionnat, d’une congrégation religieuse, aumônier des militaires qu’il dote d’un foyer du soldat, première manifestation de sa vie de bâtisseur.
On note encore son active participation, en étroite relation avec le Vatican, au rituel préparant l’élévation de Mgr BOURRET, au rang de cardinal.
« Ne croyez pas que Charles Ginisty va se cantonner dans son bureau, ce n’est pas son tempérament » avait-on entendu dire dans les couloirs de l’évêché dès son retour de Rome.
En 1899, il est nommé curé de Cransac, pays minier du bassin de Decazeville. Ici, l’église est trop petite et d’accès incommode. Avec le concours de la population et en dix-huit mois il construit un édifice de 2500 places, avec transept et trois tribunes ainsi que le presbytère. Huit cents enfants fréquentent les catéchismes. Un bulletin paroissial naît deux fois par mois pour 1500 foyers et cela pendant sept années.
En 1906, le voici curé-archiprêtre de St-Affrique. Cette fois l’Eglise est neuve mais seul le gros œuvre est achevé. En quelques mois il s’emploie à faire terminer l’ouvrage et peut célébrer la consécration solennelle de cette nouvelle église.
Pendant ce temps d’autres problèmes vont surgir. C’est l’époque où se manifeste au niveau national un courant politique souhaitant obtenir la séparation de l’Eglise et de l’Etat. en 1906 va s’appliquer la loi, votée l’année précédente, pour l’application de ce principe.
A St-Affrique comme partout dans le pays, il faut réorganiser les établissements scolaires, les maisons d’œuvres sociales, les associations culturelles, tâche complexe et délicate qu’il accomplit avec l’opiniâtreté et le bon sens invincible de sa nature profondément aveyronnaise.
Dans ces années 1905-1910 il eût aussi l’honneur de prêcher plusieurs carêmes à Saint Jérôme de Toulouse. Sa parole sûre, pittoresque et toujours ferme lui valut ce commentaire original de la part d’un journaliste toulousain « le jeune orateur après avoir obligé les auditeurs à se percher sur les confessionnaux, tant ils étaient nombreux, les avaient forcés de rentrer dedans ».
La nomination de Charles GINISTY, Evêque de VERDUN, arrive le 14 mars 1914. La nouvelle se répand rapidement. Il faut songer aux cérémonies attachées à la prise de possession de son lointain diocèse et selon l’usage choisir les armes.
Le sacre a lieu à St-Affrique le 17 mai. Une grande fête de famille réunit à Lafont, propriété de son frère Henri, tous ses proches le 29 mai et le 11 juin 1914 il fait son entrée solennelle dans la ville de Verdun, 106ème évêque sur le siège de Saint-Saintin.
Ce jour là Mgr GINISTY devait être accueilli sur la place de la gare mais la réception fut quelque peu perturbée. La loi de séparation de l’Eglise et de l’Etat interdisant tout cortège religieux sur la voie publique, les quatre à cinq mille personnes rassemblées à la gare pour acclamer leur nouvel évêque, ne pouvaient suivre sa voiture dans les rues étroites de la vieille ville enserrée dans ses remparts, sans faire cortège et … outrepasser la loi. Il y eut donc quelques incidents avec les forces de police à cheval et même quelques arrestations heureusement suivies d’aucun effet. Le lendemain, signe des temps, certains journaux rendaient compte d’une « superbe manifestation populaire », tandis que d’autres parlaient « d’une manifestation rentrée »
Dans cette ambiance un peu tendue et accaparé par ses nouvelles fonctions, l’évêque n’a guère le temps de découvrir son diocèse et les Meusiens de faire connaissance avec ce pasteur qui leur arrive avec un drôle d’accent !
Cinquante deux jours après son intronisation, le 2 août 1914, c’est la déclaration de guerre entre la France et l’Allemagne, premier conflit mondial, plus tard appelé la Grande Guerre. Les combats devient durer jusqu’en 1918. Quatre années durant et particulièrement pendant la terrible bataille de Verdun, de janvier à novembre 1916, il n’y eut sur ce pays Meusien qu’un déluge de fer et de feu, la dévastation pour les villages et les terres, l’horreur absolue pour les combattants des tranchées, pris par le froid, la boue, les gaz.
« la terre tremble et se déchire. La tranchée oscille, secouée à chaque commotion d’un soubresaut de terreur. Les blocs des réduits se disloquent, se soulèvent et retombent, écrasant leurs défenseurs. De larges entailles s’ouvrent dans la chair vivante des régiments … », racontera plus tard l’abbé Thellier de Poncheville.
Mgr GINISTY va devenir l’évêque du front, celui de la première ligne. 47 % de son clergé est tout de suite mobilisé, créant de nombreux vides dans les paroisses. Quatorze hôpitaux sont ouverts seulement à Verdun, l’arrière du front est peuplé d’ambulances de campagne. Inlassablement, il visite les blessés, apportant le réconfort de sa parole chaleureuse et vivante, s’adressant en occitan aux méridionaux et parlant Italien aux Corses !
Dès novembre 1914, ses services religieux sont célébrés à Verdun, Bar le Duc, pour les morts de la guerre. Dans ses homélies, il demande patience et courage car ce qu’il entend dire dans les Etats-Majors n’incite pas à l’optimisme.
Le bombardement de la ville de Verdun, le 21 février 1916, suivi de l’évacuation totale des habitants l’oblige à quitter lui aussi la cité épiscopale par des moyens de fortune, wagon de marchandises et même locomotive entre le chauffeur et le mécanicien.
Il va se fixer à Bar-le-Duc, jusqu’à la fin des hostilités. De ce petit bourg Meusien, il peut continuer toutes ses activités et entreprendre, déjà, une tournée patriotique de 1917 à 1919 dans plusieurs grandes villes de France. Le nom de Verdun commence à être connu, même au-delà des frontières comme en Espagne, et symbolise la résistance des Français.
Le 13 octobre 1918, dans les souterrains de la citadelle de Verdun, où s’était installé l’Etat Major, le président de la République Raymond POINCARE, remet à l’évêque la Croix de Chevalier de la Légion d’Honneur : « Par son attitude calme, confiante et courageuse, il n’a cessé de contribuer largement au réconfort de la population et au maintien de son moral » peut-on lire dans le texte de la citation.
En novembre 1918, au lendemain de l’armistice, Charles GINISTY et quelques autres personnes parcourent accablés de tristesse les champs de bataille de Fleury, Douaumont, les plaines de la Woëvre. Partout autour d’eux et jusqu’aux plus lointains horizons, se dresse un immense chaos d’ossements épars. C’est ici, dans un périmètre relativement limité, que sont tombés par vagues successives quatre cent mille soldats français et alliés « si par miracle ils pouvaient se dresser debout, ils ne tiendraient pas sur cet espace aussi restreint » avait fait observer le général VALENTIN. Fallait-il abandonner à la désolation ce désert peuplé de morts ?
Lors de ses visites aux hôpitaux et allocutions dans les cantonnements, l’Evêque avait bien souvent annoncé et promis aux camarades revenus de cet enfer de s’occuper de ceux qui étaient tombés et d’honorer leurs restes. Une grande idée était déjà dans son cœur « là, au centre de ce champ de carnage, il faut ériger un monument qui soit à la fois un tombeau, un mausolée, un temple sacré ! »
Le 11 février 1919, au cours du troisième anniversaire de la bataille de Verdun célébré solennellement au Trocadéro, Mgr Ginisty prend la parole pour exposer son projet de « construction de l’OSSUAIRE DE DOUAUMONT cathédrale des morts et basilique de la victoire dont l’emplacement serait le point culminant du champ de bataille. Ce monument comprendrait une vaste crypte surmontée d’une basilique où les familles auraient l’ultime consolation de se réunir pour prier pour leurs chers disparus ». l’assistance acclame avec enthousiasme ce projet.
Un comité de réalisation et de patronage au plus haut niveau de l’Etat est créé, placé sous la présidence d’honneur du Maréchal Pétain, vainqueur de Verdun. On peut aussi y rencontrer des personnalités telles que Monsieur Raymond Poincaré, le maréchal Foch, Monsieur Victor Schleiter, président du souvenir Français et adjoint au maire de Verdun, qui l’a toujours très efficacement aidé, Madame la princesse de Polignac, veuve de guerre, les ambassadeurs des grandes puissances alliées, des membres de l’Académie Française, le grand rabbin de France, le pasteur Soulié, un représentant des Musulmans.
En décembre 1919, l’œuvre du souvenir des défenseurs de Verdun est autorisée par décret ministériel. Charles Ginisty va y jeter toutes ses forces.
Il a déjà fait élever une baraque Adrian, au bord de la route, sur la crête de Thiaumont, chapelle et reposoir des corps et ossements qui sont déposés dans de grands cercueils portant l’indication du lieu de front où ils ont été trouvés. Tous les ans, au mois de septembre, une journée du souvenir est organisée dans cette chapelle-baraque où vit et prie tout au long de l’année, l’admirable abbé Noël, ancien aumônier militaire et gardien de ce sanctuaire. Des orateurs, le plus souvent des généraux ayant commandé à Verdun y prennent la parole.
Devant l’immensité de la tâche et guidé par un sens aigu des réalités, Mgr Ginisty va prendre son bâton de pèlerin pour intéresser le pays tout entier à cette œuvre du souvenir. Accompagné de Monsieur l’abbé LOMBARD, chargé de l’organisation des voyages, il visite à Strasbourg, Metz, le Luxembourg, la Suisse. Les premières souscriptions sont rapidement couvertes. Partout, c’est le même enthousiasme, les églises ou salles de spectacles sont trop petites pour contenir la foule rassemblée sans distinction de classes, d’opinions, de religions. Voici que l’Union Sacrée demandée solennellement par le Président Poincaré se réalisait à travers les humbles silhouettes des pèlerins de Douaumont.
Mais cela n’est pas suffisant. Il ne s’agit pas seulement de tendre la main mais de faire connaître au monde entier les noms de Verdun, Douaumont, Fleury et leurs obscurs et magnifiques soldats, les « poilus » dont le cri héroïque et désespéré « ils ne passeront pas » doit désormais traverser toutes les générations.
Ce grand projet prit corps en Belgique où il donna une conférence à Liège en présence de la Reine. Puis l’évêque de Verdun se rendit à Londres. Il fut invité à prononcer une allocution au cours d’une cérémonie à la cathédrale de Westminster à laquelle assistait le roi George V et la reine. En Afrique du Nord, la ville d’Alger lui accorda une large audience.
Mais l’accueil le plus chaleureux est resté sans contexte celui de l’Amérique : « Venez, lui disaient les Canadiens, vous serez bien accueilli, pour cette belle œuvre nous vous aiderons ». et le 6 mai 1925, le voici sur le paquebot « le Paris », en route pour le nouveau monde. Là encore, sur le bateau, en homme de communication, comme on dirait aujourd’hui, il va passionner son auditoire qui en retour se montrera très généreux .
En 1928, lors d’un autre voyage à New-York et sans aucun mandat officiel, photographes et cinéastes l’attendent. le drapeau Français est hissé sur l’hôtel de ville, l’ambassadeur Claudel, alors en poste aux Etats-Unis, organise un déjeuner en son honneur. Cinq cents anciens combattants debout l’acclament bien avant que l’on ait commencé à traduire son discours « comprenons Bishop de Verdun » s’écrient-ils. Les américains, étrangers aux artifices littéraires, aimaient et comprenaient sa parole ardente et directe. Pour eux, l’Evêque des soldats était un homme de cœur au langage vrai.
Chez nous, en France, voici ce que l’on pouvait lire dans la presse de l’époque « brillant orateur et organisateur, par sa persévérance, par sa confiance dans la Providence et par le succès de ses campagnes d’information dans toute la France, en Europe et au delà des océans, il a su trouver les fonds nécessaires »
La première pierre du Monument est posée le 22 août 1920. Cinquante six architectes avaient présenté le projet. Celui de Messieurs Azéma, Edrei et Hardy fut retenu après discussion et vote d’un jury réuni à l’Hôtel des Invalides à Paris sous la présidence du Maréchal Pétain et Mgr GINISTY.
En 1927, une première partie des travaux de l’ossuaire est achevée. De nombreuses personnalités civiles et militaires, une foule recueillie assistent au transfert combien émouvant de cinquante deux cercueils à l’intérieur de la crypte. L’Américan Légion, accompagnée par le Général Pershing, qui avait été le commandant en chef des troupes Américaines en France, est présente à l’inauguration de la grande tour surmontant le corps principal de l’édifice et dédiée aux dons généreux des Etats-Unis et du Canada.
Le bourdon offert personnellement par une Américaine à Mgr GINISTY fait entendre le glas qui sonnera désormais trois fois par jour sur cette vaste nécropole.
L’année 1932 voit enfin se terminer le chantier. Le coût final en est de 15 millions de francs, chiffre très élevé à l’époque, environ 45 millions de nos francs actuels. Le parlement accorda un million pour les derniers aménagements. Une journée Nationale en faveur des quatre grands monuments de la guerre recueillit une somme importante. Le chanoine Noël, chapelain de l’Ossuaire, reçut aussi d’innombrables offrandes. Pendant de longues années, il fut le guide et le soutien des familles éperdues en ces lieux si intenses.
D’une longueur de 137 mètres, en forme de voûte gigantesque dominée par la tour de 49 mètres de hauteur, l’édifice apparaît dans son imposante sobriété. L’immense porte d’entrée en fer forgée porte en son centre une épée pointe en bas, avec palmes de part et d’autre et au-dessus le mot PAX. L’inauguration officielle eut lieu le 7 avril 1932en présence du Président de la République Albert Lebrun.
Plus de 100 000 personnes étaient rassemblées sur le plateau de Thiaumont et parmi elles une délégation des enfants de France, invités spécialement par Mgr Ginisty. Les troupes rendaient les honneurs.
Voici que se trouvait concrétisée, inscrite dans la pierre, ineffaçable, la promesse que Charles Ginisty s’était fait de donner aux grands morts de la guerre, à tous les soldats disparus, une sépulture digne de leur victoire et de leur immortalité afin que nul n’oublie jamais leur glorieux sacrifice.
Ce jour là, loin derrière les personnalités, l’Evêque resta à la place que lui fixait le protocole. Seul le président des Anciens Combattants de la Meuse cita son nom en exprimant la reconnaissance des Soldats de Verdun.
« l’événement nous prend là ou nous sommes et nous devons y répondre tels que nous sommes » déclarait Mgr Marty, archevêque de Paris, au moment des événements de Mai 1968. Charles Ginisty aurait pu faire siennes ses paroles tant elles illustrent son attitude, puisée au plus profond de sa nature généreuse et qui s’est révélée si justement fondée face au cours sinueux et parfois tragique de l’histoire.
Sa détermination de bâtisseur du souvenir a trouvé un immense écho dans l’impérieux sentiment de réparation et de gratitude qui avait saisi tous les hommes de bonne volonté devant les souffrances sans nom des combattants des tranchées. La ferveur suscitée n’a jamais faibli. Lui même, l’Evêque des Soldats s’est senti conforté dans sa mission qu’il définissait ainsi :
« pour lui, ministre de la religion, il aurait pour tâche de garder ce sanctuaire, d’y assurer la prière continuelle et de faire célébrer le saint sacrifice sur ce calvaire de Verdun, Thabor de la victoire ».
Voyant avec qu’elle ardeur Mgr Ginisty réalisait sa grande œuvre de l’Ossuaire, certains ont pu craindre que la vie spirituelle du diocèse en souffrit. C’était oublier l’énergie persévérante et l’optimisme confiant en la Providence de son Evêque.
Le soir même de l’armistice, sa première lettre était pour ses chers diocésains « notre cœur déborde de joie écrivait-il, nous vous saluons chers exilés et nous vous acclamons avec toute l’effusion d’un père qui retrouve ses enfants après de longues années de séparation, de souffrances et de craintes »
Pendant les 32 années de son épiscopat, Mgr Ginisty a animé son diocèse d’une vie spirituelle intense, communiquant aux divers mouvements d’Action Catholique une impulsion décisive. La réorganisation et la création de séminaires sont parmi les soucis les plus pressants avec la reconstruction des églises (sur les 572 églises du diocèse, 319 avaient été soit totalement détruites, soit très endommagées). La cathédrale est gravement mutilée et la nef est à ciel ouvert.
Deux synodes sont tenus en 1923 et 1933 où s’exprime le clergé diocésain et sont promulgués des statuts synodaux. Il redonne à Vaucouleurs, petite bourgade lorraine, sa place de cité historique d’où partit Jean d’Arc en 1429 pour sa périlleuse mission au service du Roi de France. Il marquait ainsi son fidèle attachement à la Sainte lorraine, canonisée en 1920 et dont il avait mis les armes dans son médaillon épiscopal.
La dévotion à Marie, l’un des points forts de sa vie spirituelle connaît une nouvelle ferveur dans la crypte séculaire rénovée de la cathédrale Notre-Dame de Verdun. Une statue en pierre, inspirée des Vierges du Moyen Age et œuvre du sculpteur, prix de Rome, Mr Bouchard vient compléter cette restauration.
L’incessante activité déployée par Mgr Ginisty semblait ne connaître aucune fatigue. Bien d’autres tâches, difficiles à dénombrer, voyages, rencontres, écrits, inaugurations, jalonnent ses journées. Seuls les intimes auraient pu parler de sa foi simple et profonde, des élans de son cœur, de sa vertu qui savait maintenir ou corriger un tempérament ardent et impressionnable.
Comme tout évêque, il doit aller à Rome tous les cinq ans. Cette périodicité est bouleversée par la guerre. Il s’y rend au mois de Mai 1919 où il est reçu par le pape Benoît XV. Le Saint père s’enquiert des souffrances et dévastations de la ville de Verdun « fermant une main pour ne point recevoir le denier de Saint Pierre que nous étions heureux de lui offrir de votre part, explique-t-il plus tard à ses paroissiens et ouvrant largement l’autre main pour nous aider à relever nos ruines .. »
Dans les luttes qui accompagnèrent la séparation de l’Eglise et de l’Etat, il n’eut pas peur de répondre parfois avec une verve mordante aux journaux de la région et de publier des tracts pour défendre les droits de son Eglise et la foi de son peuple. Déjà à Saint-Affrique, quelques années auparavant, il avait manifesté ce caractère combatif en assistant ses prêtres au moment des inventaires et lors des expulsions de leur presbytère, ce qui lui valut une condamnation à un mois de prison avec sursis par le tribunal de Saint-Affrique.
Mais le portrait ne serait pas complet sans évoquer « l’oncle Charles », sympathique et chaleureux parmi les siens. Malgré ses multiples responsabilités de bâtisseur et de pasteur, il a toujours gardé un contact affectueux et attentif avec ses neveux et nièces comme en témoigne sa correspondance.
Très attaché à sa famille et à son pays natal, il venait chaque année au mois d’août passer quelques jours au Colombier et à Lafont. Quelquefois l’accompagnait dans son pèlerinage familial, un grand personnage de Verdun, le {{}}, lieutenant-abbé héros de la « tranchée des baïonnettes ».
Pendant ses courtes vacances , il prenait le temps d’aller de frères en cousins, de s’entretenir avec les uns et les autres.
C’était une grande fierté de lui servir la Messe se souvient l’un d’eux, en évoquant la petite chapelle aménagée dans la maison du Colombier. Dans ces lieux si chers à son cœur, ses pas le portaient naturellement vers la source de Roucayrol, vallon paisible et rafraîchissant invitant à la prière. Et jamais il ne manquait d’aller admirer du haut du rocher de La Roque-Valzergues, le panorama s’étendant jusqu’aux montagnes d’Aubrac « c’est le plus beau que je connaisse » aimait-il à dire.
Le 24 Mai 1939 , Mgr Ginisty était dans la joie, on fêtait son double jubilé de cinquante ans de sacerdoce et vingt cinq ans d’ épiscopat. Délégué par le Maréchal Pétain, le général Boichut lui remit la croix de Commandeur de la Légion d’Honneur. par ce geste, enfin, le gouvernement voulait reconnaître l’œuvre accomplie par l’Evêque de Verdun. Le 5 juin 1939 en l’abbaye d’Orval, il recevait des mains du Premier Ministre de Belgique, la croix de Commandeur de l’Ordre de Léopold.
Hélas cette plénitude devait être de courte durée. En Août de cette même année 1939, éclate entre la France et l’Allemagne le conflit qui deviendra la Seconde Guerre Mondiale. La guerre, encore la guerre.
Après ce qu’il a connu, son esprit de foi et sa nature optimiste chancellent à l’annonce de ce nouveau désastre. Dans une grande tristesse, il quitte encore une fois Verdun, son diocèse bien aimé pour se replier jusqu’à Saint-Savinien en Charente Maritime, département de repli des Meusiens, en raison de la poussée de l’avance allemande. Après quelques mois, apprenant la cessation des hostilités et la signature de l’armistice, il décide de rentrer dans son évêché, non sans difficultés.
Au cours de l’hiver 1941-42, une surdité insidieuse commence à le priver d’une partie de ses moyens, mais il a encore suffisamment de force et de lucidité pour écrire au Nonce et lui demander l’assistance d’un coadjuteur. Monseigneur Petit, vicaire général de Chalons sur Marne, est désigné à ce poste qu’il assumera bientôt totalement avec beaucoup de tact et de sensibilité.
Désormais la santé de Mgr Ginisty ira en déclinant. Peu à peu la nuit s’étend sur son esprit, le privant de toute conversation et échange, terrible isolement pour l’homme d’éloquence et de contact qu’il avait été. De sa famille si souvent évoquée naguère, il ne parle plus. Son chapelet même lui devient étranger. Pressentant peut-être cette épreuve, il en avait accepté l’accomplissement dans un acte d’abandon à Dieu, tel que le révèle son testament spirituel, rédigé en 1940. L’année 1945 fut marquée par un affaiblissement plus grand encore. Bientôt, il ne quitte plus sa chambre, soigné avec beaucoup de dévouement par Eugène Godard, son fidèle chauffeur depuis 25 ans. Le 7 janvier 1946, dans la quatre vingt deuxième année de son âge, Charles Ginisty rendait son âme à dieu.
Au soir de ses obsèques, Mgr Petit, son successeur prononçait ses paroles : « cet homme de foi robuste, pasteur actif et pèlerin des champs de bataille resta au milieu des succès et des honneurs tel que Dieu l’avait fait en naissant, simple et bon, doux aux humbles, humble lui-même »
Citons encore ce texte paru dans le journal le Meusien du 12 janvier 1946 : « c’est durant ce temps de guerre que l’âme du grand patriote que fût Mgr Ginisty apparût avec éclat et qu’il gagna avec l’affection de tous les combattants, l’amitié des grands chefs de notre armée d’alors ».
EVEQUE DES SOLDATS, comme on l’a parfois nommé, il allait prendre place parmi eux à DOUAUMONT.
Monseigneur Charles GINISTY
Ses Armoiries
D’Azur à un roc d’Argent mouvant de la pointe, rappel de La Roque Valzergues, sommé d’une touffe de genêts, allusion au nom de sa famille, butinées par cinq abeilles d’or et surmontée d’une croix d’or de St-Affrique, son ancienne paroisse aveyronnaise, accostée à dextre d’une étoile rayonnante d’argent, un appel à Notre-Dame et à senestre des Armes de Jeanne d’Arc en hommage à la Sainte Lorraine.
Toutes les valeurs simples et fortes auxquelles il est le plus attaché sont représentées ici, par sa famille, son pays natal, les fidèles dont il a la charge, une grande confiance en Notre-Dame et Jeanne la Lorraine, patriote jusqu’au sacrifice.
Le roc d’argent rappelait le pays d’origine de Monseigneur, La Roque Valzergues, les genêts faisaient penser au nom de sa famille, les abeilles qui butinent invitaient les fidèles à chercher auprès de leur évêque le miel de la doctrine, la croix de St-Affrique, légèrement modifiée pour évoquer la croix de Lorraine, signifiait l’attachement du nouvel évêque à son Rouergue natal et aussi à la Lorraine. L’étoile rayonnante était un appel à Notre-Dame, et son attachement à Jeanne d’Arc, déjà manifesté auprès des paroissiens aveyronnais, se trouvait confirmé par la présence de Vaucouleurs dans son diocèse johannique.
Anne DUPLAA † et Pierre GINISTY