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Cercle Genealogique de l’Aveyron
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1434 - Béranger de la Tour
A l’attention des chercheurs du Cercle Généalogique de l’Aveyron,
Article mis en ligne le 10 septembre 2023
dernière modification le 11 septembre 2023

par Suzanne BARTHE

Notre adhérent, Monsieur Louis RAYNIER, nous a fait parvenir le message suivant, que nous soumettons à la perspicacité de nos lecteurs...

N’hésitez pas à apporter votre "pierre" à l’édifice en postant une réponse. En bas de page, à gauche, merci de cliquer sur "répondre à cet article".

Après un contact avec Monsieur Jean Delmas, je (NDLR : Louis RAYNIER) communique les données historiques que j’ai pu collecter et la synthèse que j’ai essayé de construire autour de ce personnage. [1]

Tout démarre d’une pierre tombale qui, vers 1870-1880, sortie d’une chapelle de l’église, a été positionnée verticalement sur la façade à l’extérieur côté gauche du porche. Si l’inscription, gravée en latin et avec des abréviations, a été depuis longtemps décryptée, il n’en restait pas moins que l’origine familiale "Bérenger de la Tour" et le lieu du soi-disant prieuré de "Bridonno" ont donné lieu à des hypothèses approximatives et erronées ; tout semblant achopper sur le repérage du lieu de "Bridonno", le personnage dit "prior de Bridonno" a pu être l’objet de propositions aléatoires !

LA PIERRE TOMBALE DE 1434

Une pierre tombale exposée à gauche sur la façade de l’église avec un prénom « Bérengarius » un nom de famille « de Turri », une fonction « prior » un lieu « de Bridonno » et une année de décès « mccccxxxiiii » (1434) et un blason explicite avec une tour : combien ont cherché à résoudre l’énigme sans trouver de solution !

L’abbé Bougette nous le présente dans son livre (Edt 1909 p.94) comme étant le XIVè prieur du prieuré de Saint Martin de Londres, succédant vers 1425 ( ?) à Hugues Peltrice et décédé en 1434 ; des indices existaient mais fallait-il trouver le bon bout du fil ! Depuis 10 ans je l’avais en « résidence surveillée » sous le coude, photographiant, décryptant et lançant ma ligne vers divers documents !

Et c’est en Mai dernier (NDLR : 2022) que je trouvais, enfin, le premier indice dans Documents sur la maison de Durfort : XIe-XVe siècles (page 1073)

« BREDONS (Bridonno), Cantal, arr. Saint-Flour, cant. Murat, com. Albepierre-Bredons ; prieuré bénédictin… »

La piste s’ouvrait devant moi et je m’élançais sur les traces de ce fameux « Bérengarius de Turri, prior de Bridonno ».

Ainsi, je trouvais aux Archives du Cantal, dans Revue de la Haute-Auvergne –(Vol.61 –page 257)  :

« En 1430, Guillaume de Cardaillac, était prieur de Bredon. Il résigna son bénéfice à Béranger de La Tour, originaire de Sales-Comtal en Rouergue, qui était prieur en 1434… »

A partir de là, j’ai les deux pistes essentielles qui vont me permettre d’investiguer sur ce personnage :

  • le prieuré de Bredons où il a bien été « prieur »
  • et Sales-Comtaux d’où il est dit « originaire »

Bérenger de la Tour et le Prieuré de Bredons (Bredom)

Un document aux Archives du Cantal (7H-3), dans « Bulle réglant la dévolution du prieuré de Cornus au diocèse de Vabres » Sur un parchemin daté de 1432

« .. au profit de Jean de Roquemaurel, à la mort de Bérenger de La Tour…. et le pape enlève à Bérenger la commende de Bredons dont il a pris possession ainsi que celles de Cornus et de Saint Martin de Londres. »

Cela confirme que ce « Bérenger de La Tour  » était la même personne, prieur des prieurés de Bredons (Bridonno) , de Cornus et de Saint Martin de Londres. Mais par la suite dans un autre parchemin daté de 1434, il est précisé que « Jean de Roquemaurel, nouveau prieur de Bredons (reçoit) la prestation de serment des prêtres et officiers.. » puis « déclaration de Jean de Roquemaurel, récent prieur de Bredons… » Cela confirmerait bien que Jean de Roquemaurel ne prend la charge du prieuré de Bredons qu’en 1434, suite à la mort de Bérenger de La Tour.

Un deuxième document aux Archives du Cantal (39H-1) concernant l’installation des franciscains de Saint Gal de Murat, mentionne Bérenger de La Tour prieur de Bredons, successeur de Guillaume de Cardaillac, confirmant le 29 Avril 1434 un accord déjà établi entre Guillaume de Cardaillac et Bernard d’Armagnac, vicomte de Murat.

→ Nous pouvons donc supposer que Bérenger de La Tour était encore vivant le 29 avril 1434 mais qu’il devait décéder cette même année ; à preuve Jean de Roquemaurel ne devant bénéficier du Prieuré qu’à la mort de Bérenger de La Tour, ne reçoit la prestation de serment en tant que nouveau prieur, qu’en 1434.
Cependant comme nous ne connaissons pas l’ âge de Bérenger à son décès, cela va gêner pour le situer dans la généalogie familial

Bérenger de La Tour et la famille de La Tour de Salès-Comtal (Salles-la-Source en Aveyron )

Famille de La Tour : Armes
→ « De gueules à une tour d’argent crénelée de trois pièces »

Cette famille était établie dans la coseigneurie de Salès-Comtal.

Nous trouvons un historique de la lignée familiale des « de La Tour » de Salès-Comtaux dans –Documents historiques et généalogiques sur les familles et les hommes célèbres du Rouergue- de Hippolyte Barrau – Edt 1853- Nous voyons cité entre autres :

  • en 1201 Pierre de La Tour de Salles – (Cartulaire de l’Abbaye de Bonnecombe -2- 50)
  • en 1212 ce même Pierre avec sa femme, Pétronille et ses fils Guillaume et Pons (Cart. Bonnec. -82, 7)
  • en 1290 un Bernard et un Pierre de La Tour mentionnés dans l’acte d’accord avec les nobles de Salles.
  • en 1346 Raymond de La Tour, du château de Salles (il s’est marié -1343- avec Alasie de Murat de l’Estang), intervient au sujet de certains fiefs de la Baronnie de Calmont (Document : Terrier de Calmont)
  • en 1388 Noble Flotard de La Tour, damoiseau du château majeur de Salles-Comtaux et de la Tour Saint Vidal fut témoin lors d’un partage de rentes ( il est fils de Raymond de la Tour et marié en 1377 avec Marguerite de Bérenger de Panat ) ; il a eu pour fils entre autres :
    • en 1385 Raymond III (dit « Raucon de la Tour – Rochebrune ») Seigneur de Rochebrune qui épouse en 1411, Hélène de La Romiguière

On peut émettre, à défaut de toute preuve évidente –(son âge à son décès)-, l’hypothèse que la place de Bérenger de La Tour dans cette lignée familiale oscille entre Raymond de La Tour, du château de Salles et Saint Vidal, marié en 1343 avec Alasie de Murat de Lestang– dont il serait le fils, né entre 1350 et 1360 → il aurait alors entre 70 et 80 ans à son décès ?

Ou alors il serait fils de Flotard de La Tour, marié en 1377 avec Marguerite de Bérenger de Panat, donc né après 1377 → ce qui lui donnerait un âge de moins de 57 ans à son décès en 1434 à Saint Martin de Londres !

La question reste ouverte à preuve d’autres éléments !

Bérenger de La Tour, prieur de Bredons

(Eléments trouvés dans Revue de la Haute Auvergne –page 379- Le prieuré de Bredon – Archives du Cantal)

→ « Bérenger de La Tour, seigneur de Rochebrune, Farges, La Bastide, fut nommé prieur de Bredom par Aymeric de Roquemaurel, abbé de Moissac.

Cette famille, originaire du Rouergue, avait formé plusieurs branches dont les principales sont : les de La Tour de Peyre, de Saint Vidal, de Saint-Paul (…) Cette terre de la Bastide, avec son fort situé au-dessus du bourg de la chapelle Alagnon, est cette même tour que la tradition populaire appelle « Tour des Moines » -

« parce que, dit l’abbé Teilhard, curé de Virargues, elle fut habitée par Bertrand, par Raymond, par Mondot, par Guyonnet de la Tour, parents du moine, prieur de Bredom… Il demeure acquis qu’elle fut la propriété du moine bénédictin, seigneur et prieur de Bredom, Bérenger de la Tour. L’identité de Bérenger de la Tour est attestée par l’acte de prise de possession de son successeur. Il demeura au plus trois ans prieur de Bredom. »

Bérenger de La Tour, prieur de Saint Martin de Londres

Dans son livre sur Saint-Martin de Londres, (Edt-1909) page 94-95 l’abbé Bougette nous le présente comme étant le XIVè prieur, succédant, vers 1425 ?, à Hugues Peltrice XIIIè prieur et précédant Guillaume d’Albin, XVè prieur, 1434.

On ne connaît rien de son activité pastorale mais seulement quelques actes de gestion des biens concernant la seigneurie rattachée au prieuré durant l’année 1428-1429.
→Cf : Inventaire des archives de l’Abbaye de Saint-Guilhem-du-Désert (ADH, série 5 H1 f°324r/324v) dressé en1783 (transcrit par François Lambert et publié Cahiers d’ATR, n° 5-6, 1992-1993) Actes reçus par Jean De La Croix, notaire.

L’ENIGME RESOLUE

A partir des recherches complémentaires et observations de mon ami, Richard Bavoillot-Laussade qui a fait tout un travail historique sur l’église prioriale de Saint Martin de Londres, nous pourrions synthétiser le cursus de ce Bérenger de La Tour  :

1- Bérenger de La Tour appartenait à une famille chevaleresque du Rouergue, fixée près de Marcillac, à Salès-Comtaux (Salles-la-Source, Aveyron), de la lignée de ces Coseigneurs du château majeur de Salles.
Il aurait pu naître :

  • du couple Raymond de La Tour (x 1343) Alasie de Murat de Lestang dans les années 1345-1360 et donc en 1434, il aurait eu 70 à 89 ans.
  • Mais aussi il aurait pu naître, à la génération suivant, du couple Flotard de La Tour Saint Vidal (x1377) Marguerite de Bérenger de Panat ; donc, si on suppose sa naissance après 1377, il aurait pu décéder entre 50 et 55 ans.

2- On sait que Bérenger de La Tour a été moine bénédictin au Monastère de Saint Guilhem du Désert et ; il est sûrement entré bien avant 1420 au monastère du Désert, sous l’abbatiat de Renaud, un personnage important, mais qui, contesté au sein de la Communauté, avec laquelle il vivait rarement, fut même excommunié en 1423 par le pape Martin V.

3- Bérenger de La Tour a été nommé Prieur à Saint Martin de Londres en succession à Hugues Peltrice, vers 1425 ; par la suite il reçoit la charge du Prieuré Sainte Marie de Cornus (prieuré de Saint Guilhem au diocèse de Vabres) et puis celle du Prieuré Saint Pierre de Bredons (Bridonno)en 1430. Or, prieur et seigneur du lieu, Bérenger n’était que Titulaire ; c’est à dire qu’il se contentait de percevoir les revenus du prieuré Saint-Pierre

4- L’existence des deux parchemins, cités ci-dessus, l’un de 1432 et l’autre de 1434 peuvent nous laisser perplexes car d’une part (Bulle de 1432) le pape enlève la commende à Bérenger de Bredons ainsi que de Cornus et de Saint-Martin de Londres : donc il est déchargé de toute responsabilité ? Et par ailleurs en 1434, dans le document (39 H1)le nom de Bérenger apparaît précédé de (successeur) et suivi de la date (29 Avril 1434)
a)-Cela signifie-t-il que c’est Bérenger qui, à la date du 29 Avril 1434, assure la signature en tant que « successeur » de Guillaume de Pardaillac, décédé en 1430.
b)- Ou, cela signifierait-il que c’est effectivement le « successeur » de Bérenger, décédé le 29 Avril 1434, qui doit prendre le relai pour assurer la signature ?

→ Mon intuition me ferait pencher vers cette 2è hypothèse !

5- Indices de la Pierre Tombale  : Remarques élaborées par Richard Bavoillot-Laussade

« La dalle funéraire de Saint Martin de Londres témoigne d’une double anomalie : non seulement, les archives de Saint-Guilhem-du-Désert, ne donnent jamais au prieur de Londres, Bérenger de La Tour, le titre de Bredons, ni même de Cornus, mais l’objet (la pierre tombale) qui prouve sa mort et sa sépulture à Saint-Martin, ne le mentionne pas « prieur et seigneur de Londres » !!
Avait-il résigné l’office de prieur de Londres lorsqu’il fit réaliser sa dalle funéraire ? ; ce qui impliquerait qu’il ait obtenu l’autorisation de continuer à loger au prieuré. Ce type d’accord amiable à terme avec l’abbé (du monastère) était possible, surtout si l’intéressé se trouvait dans un état de santé précaire. Malade, Bérenger pourrait avoir récusé son office en échange de ce privilège. La mense prioriale et la seigneurie pouvaient être temporairement gérées en directe par le cellérier ou abbé, dans l’attente du décès de l’hôte qui aurait libéré le prieuré et son office. »

Et en complément, on peut adjoindre l’étude rédigée par Philippe Troncin et Béatrice Béchiri dans :
« Archéologie en Languedoc n°28 – 2004 « La pierre tombale de Bérenger de la Tour sur le porche de l’église à Saint-Martin-de-Londres »

Dans le paragraphe : 1.3.2 Relevé de l’inscription gothique de la dalle, il est mentionné :

« En conclusion, bien que d’aspect homogène dans son ensemble , cette dalle comporte une inscription hétérogène, sans doute liée à l’intervention de plusieurs artisans-tailleurs de pierre et non d’un seul. »

Cela pourrait laisser supposer que la pierre a été initialement sculptée et gravée dans sa première partie du vivant du prieur et qu’elle aurait pu être terminée juste après son décès pour finaliser la date et l’invocation…

La porte a été entrouverte : il reste encore quelques coins d’ombre ; mais vu le chemin parcouru, il ne faut pas désespérer…en unissant nos esprits malins !!

LES QUESTIONS à RESOUDRE

Louis RAYNIER adresse le message suivant "aux chercheurs du Cercle Généalogique de l’Aveyron" :

Maintenant que les documents nous ont éclairés sur la réalité de ce Bérenger de La Tour, il nous reste quelques points que nous aimerions préciser :
 
1- Quelle place générationnelle occupe ce Bérenger, décédé en 1434 à Saint Martin de Londres, sans précision de son âge (54 ans ?... 74ans ?) - voir les personnes de la lignée familiale.
 
2- Quelle était la gestion familiale du château La Tour, dans l’ensemble de la Coseigneurie de Salles-Comtaux (Salles la Source) et des différents lieux y attenant ; puisqu’on voit effectivement Bérenger ayant le titre et la reconnaissance de "Seigneur" d’autres lieux.
 
3- Dans un document descriptif des environs 1900, il est mentionné que sur le linteau de la cheminée dans le château La Tour (actuellement propriété privée) il y avait sculpté le blason de "La Tour" identique semble-t-il au blason gravé sur la pierre tombale : quelqu’un pourrait-il en porter la preuve ?
 
4- Est-ce qu’il existerait des documents sur la création et la gestion du Prieuré de Cornus (XIVè)
 
5- Comment les prieurs à cette époque assez troublée et dangereuse (XIIIè- XIVè) pouvaient-ils visiter et gérer (même s’ils déléguaient à un ’bayle’) des lieux aussi dispersés et quel devait en être l’intérêt, à part financier ?
 
Enfin, d’autres pistes pourraient se révéler au cours des investigations que vous pourriez mener : je voudrais pouvoir compter sur votre perspicacité, l’intelligence collective étant la plus performant !
 
Avec ma cordiale sympathie
M. RAYNIER Louis
Adhérent CGA N°2980