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Antoine de Malrieu notaire, et l’épidémie de peste de 1587 à Millau
Article mis en ligne le 18 avril 2024
dernière modification le 24 avril 2024

par Jean DELMAS, Suzanne BARTHE

Nous vous proposons aujourd’hui le testament d’Anthoine Demalrieu, dit ou crié en avril 1587 dans la rue, au quartier de Guillaume Estève, en raison de l’épidémie de peste. Le malheureux notaire ayant été déclaré "infecté" le matin même, s’inquiète, à juste titre, du sort des minutes, dont il est le détenteur et... l’archiviste ! Mais rassurons-nous, notre consciencieux notaire survivra à l’épidémie comme nous le verrons dans un prochain épisode !

Très clairement, Me Anthoine Demalrieu teste en ce jour d’avril 1587, certes en raison de son état de santé, mais aussi en raison du risque encouru par ses archives s’il venait à mourir ! Il se sent responsable de toutes les archives qu’il détient, les siennes, mais également celles de son père, et celles d’autres notaires !
Son fils Jean, qui lui succèdera très brièvement, est encore trop jeune à cette date... Reste son frère Luc, mais ce dernier n’est pas "notaire" mais "praticien". Il recommande en attendant de laisser les minutes dans la maison de son épouse.

Nous voyons une fois encore, s’il en était besoin, l’importance de ce type d’acte qui nous renseigne non seulement sur la généalogie de la famille, mais également, dans le cas présent, sur la situation sanitaire de la ville.

L’arrivée de la peste dans le Rouergue

La peste est un grand fléau qui a touché une grande partie de la France à partir de 1347 lors de la grande peste noire qui est apparue à Marseille. Celle-ci est la conséquence de l’arrivée dans la ville le 1er novembre 1347 d’un bateau de commerce génois porteur de cette maladie.

Cette maladie infectieuse et contagieuse est générée par les puces et transmise à l’homme. C’est donc une épidémie bubonique qui va entrainer une peste pulmonaire, c’est-à-dire transmise de l’homme à l’homme par inhalation.

La maladie de la peste est ainsi apparue dans la région rouergate dès 1439 à Villefranche de Rouergue, dans la ville de Rodez en 1450 mais aussi à Millau en 1456.

Les épidémies se sont enchainées dans toute la province du XVe au XVIIe siècle au cours des années dans ces agglomérations et ont provoqué des bouleversements majeurs en termes démographiques, religieux mais aussi économiques et politiques. [1]

La peste à Millau en 1587

A Millau, en 1572, la peste succède à une famine. Elle réapparait en 1580. Une description du mal est alors faite dans les "Mémoires d’un Calviniste"  :

"En ce même temps, en ce dit pays de Rouergue, survint une si grande maladie que les coeurs estoient tout à coup abattus de fièvre et de douleurs de reins, de cuisses, et de jambes, et dégousté que tout ce que l’on mangeoit on le trouvoit amer, même le vin, et après cela se mettoit en rhumes et catarrhes". [2]

Le constat est toujours le même :

"de laquelle maladie ne mourroient guère, sinon vieux et catarrheux. [Mais] si le mal venoit en flux de ventre, n’en échappoit guère et ne duroit plus de 6 jours".

Vers 1585-86, des "nettoyeurs de la peste" sont employés. On leur fournit des fagots de paille, des médecins s’occupent de " la sancté des pestzfiérés", on achète des « drogues » et de l’eau de vie.

Ainsi, il est dit dans les registres des archives municipales, qu’en 1587, la peste emporta 4000 personnes environ

"à cause que la guerre les empêchait de se retirer dans les champs".

Dès le début du XVIIe siècle, obligation est faite aux étrangers de produire "leur bulletin" avant d’entrer en ville. En 1631, un commis à la garde de la porte de Jumel est nommé. Il a également vocation à la vérifier les bulletins de santé des étrangers se rendant à Millau.

Sources : Site MILLAU VILLE D’ART et D’HISTOIRE  [3]

Testament d’Anthoine Demalrieu, notaire de Millau (15 avril 1587)


AD Aveyron 3E11337 (Jehan Audoyn, notaire de Millau)

[No du feuillet inconnu, le haut des pages étant altéré, verso] 1587, 15 avril, à Millau,

« devant la maison des héritiers de Jehan Creysseilh, merchand, [4] en une partie de laquelle Me Anthoine Demalrieu, notaire habite, qu’est en la carte de Guilhaume Estève … » en la rue, devant la maison, « ayant sa veue et intelligence perfectement (?) et luy de nous, ne veus consantir (?) aprocher les ungs et les autres à cause de la contagion et infection de la peste … ayant esté déclaré le(d.) Demalrieu infect, ce jourd’huy… à cause de l’infection de la peste, les personnes sont subjectes de morir subitement et… il n’y a chouse plus certaine que la mort et plus incertaine que l’heure d’icelle, à ceste cause et afin que après ses jours entre ses enfans et filhes n’ayent poinct aulcung différant pour raison de ses biens… a fait son testament : »

- Considérations pieuses

 Il « a recomandé son âme, corps et biens à Dieu le Père tout puyssant, le suppliant par la mort et passion de son Filz bien aymé Notre-Seigneur Jhésu Christ avoir pitié de luy et luy donner pardon et rémission de ses faultes et péchés, lorsque son âme se séparera de son corps... »

 Quand sera séparée… que à son corps soit donnée ecclésiastique sépulture.

- Ses héritiers

 Il lègue à Susanne et Martre Demalrives…

[Feuillet suivant, recto, manque le haut],

« plus deux couvertes de lict et quatre linceulx à une chascune d’elles, quand se marieront, et si le cas estoit que l’une ou l’autre d’icelles venssent à décéder sans se marier, a voleu que le léguat d’icelle qui décédera vienne à l’autre que demeurera survivante. »

 Il lègue à Jehan Demalrieu, son fils légitime et d’Anthoinette Creysseille

« les livres de nottes et papiers que le testateur a tant de feu Me Jehan Demalrieu, père du testateur, que [les] siens et aussi de tous les autres not(air)es que se treuveront en la puyssance du testateur.. »

 Il lègue au postum ou postume, postums ou postumes, à un chacun et chacune la somme de 10 escutz d’or sol, à payer quand ils se marieront.

 Il lègue à Anthoinette Tauriague sa mère la somme de 3 escutz un tiers d’escut d’or sol de pension annuelle à payer chaque année, tant que la(d.) Tauriague vivra, après le décès du testateur.

 Il lègue à Me Luc Demalrieu son frère la somme de 4 escutz d’or sol, à payer après son décès.

 Il lègue à chacun « sien nepveu » la somme de 2 escutz d’or sol et à chacune « sienne niepce » semblable somme de 2 escutz, à payer après son décès.

 Il lègue à se autres parents (?) la somme d’un escut sol, à payer après son décès.

 Et à tous ceux qui pourraient avoir droit en ses biens, il leur donne 2 solz et 6 deniers et qu’ils ne puissent autre chose demander.

 En tous ses autres biens, il nomme son héritière universelle Anthoinette Creysseille sa femme, à la charge de rendre son hérédité à Jehan Demalrieu, son fils, quand bon lui semblera. Et au cas où celui-ci décéderait, elle sera tenue de la rendre au postum, si c’est un mâle, sinon à l’une de ses filles, en observant l’ordre de primogéniture. Qu’elle soit, en attendant,

« mestresse et seigneuresse et usufructuaresse des biens »

du testateur. Si elle venait à se remarier, elle

« sera tenue de norrir et entretenir les enfans et filles »

nés du testateur.

[Même feuillet, verso, manque le haut]

- Sort des minutiers de l’étude de Me Anthoine Demalrieu

« … que, après son décès, soit faict inventaire de tous les libres de notes ou papiers de tous ces notes qu’il a ensemble des siens et ce par un notayre seullement et délayssés ez mains de la(d.) Creysseille et si le cas estoyt que tous ses enfans et filles venssent à décéder sans enfans légetimes et naturelz, a voleu et ordonne que tous ses(d.)libres de notes ensembles les libres du(d.) feu Jehan Demalrieu son père et de tous les autres notayres que se treuveront après le décès du testateur en son pouvoir, soient baillés et délivrés au(d.) Me Luc Demalrieu son frère, auquelz libres et papiers il l’a substitué et substitue, mais sera tenu de bailler à Pierre et Paul Demalrieux frères [5] à ung chascung d’eux, nepveux du testateur, la somme de 8 escutz sol en tenant en compte, en déduction d’iceulx 8 escutz et chascung d’eulx la somme 2 escutz, dessus à eulx légués, et s’il ne plaist poinct (?) au(d.) Me Luc de prendre les libres de notes et les Demalrieux nepveus réciproquement (?), seront tenus chacung d’eulx de bailler les 8 escutz au(d.) Me Luc. Mais, le(d.) Me Luc sera en choix de prendre les libres et papiers, en baillant les escutz, ou bien de prendre les escutz et délaysser les libres et papiers. »

- Présents :

  • Guillaume Sanches (Peut-être Sanchely ?), marchand,
  • Anthoine de Jaux, marchand,
  • Guichard Aldebert , Me chaussatier,
  • Me Jehan Molenier, notaire,
  • Guillaume Molenier,marchand, fils de feu François,
  • Anthoine Bonamayre, charpentier, (ne sait écrire) [6]