Il arrive que des documents familiaux permettent de connaître la vie de nos ancêtres.
C’est le cas pour un ancêtre de mon épouse Clotilde. Son grand-oncle René Ducret, médecin et généalogiste passionné a eu en sa possession un « journal de route » rédigé par un de ses ancêtres, soldat de la grande armée.
René Ducret a écrit un livre où il retrace la généalogie de la famille Ducret (famille de ma belle-mère). [1]
Dans cet ouvrage, grâce au journal de route, on y découvre la vie des prisonniers français de la grande armée en Russie.
Ce militaire se nommait Dominique Kaltenbacher, né à Sélestat le 11 août 1776, deuxième des onze enfants du couple Dominique Kaltenbacher - Ursule Baumgarten.
A 14 ans il s’engage dans le Royal-Deux-ponts, régiment où son père est maître-tailleur. La Révolution lui permet de grimper les échelons pour atteindre le grade de maréchal des logis le 28 juin 1802.
Le régiment est devenu le 12ème cuirassiers. Le 14 avril 1807 il reçoit la légion d’honneur. Il participe à toutes les batailles de l’empire : Austerlitz, Iéna, Wagram etc. . Il est blessé à plusieurs reprises et il est nommé sous-lieutenant le 14 mai 1809.
En juin 1812 son régiment fait partie de la Grande armée et c’est la campagne de Russie. Le 11 septembre 1812 il est nommé capitaine et participe à la bataille de Borodino. Après un sanglant corps à corps à Korkanov près d’Orcha il est blessé et fait prisonnier ainsi que son colonel.
C’est à partir de là qu’il va rédiger son journal de route sur un carnet ainsi que le livre de compte de « la popote ».
Voici donc le récit du capitaine Kaltenbacher condensé en ses éléments essentiels et les plus curieux, qui permet d’avoir une vision du sort de ces prisonniers.
Au départ, les conditions d’hébergements sont plutôt médiocres car les russes n‘avaient sans doute pas prévu d’avoir à s’occuper de tous ces prisonniers.
Le 24 avril 1813 il est formé un convoi de voitures pour les transporter vers le nord à raison d’étapes de 35 kilomètres par jour environ. Ils atteignent ainsi la Volga (cf carte). La population civile ne leur fait pas un trop mauvais accueil.
Ainsi les 21 officiers prisonniers sont reçus par la comtesse Karnoulov et la conversation se fait en français parlé couramment dans la bonne société partout en Europe. Un seul incident est rapporté par Dominique Kaltenbacher. A Wolodga à 400 km au nord de Moscou un officier de police local maltraite les prisonniers et veut s’emparer des épées que les officiers avaient obtenu de conserver. Ceux-ci indignés, préférèrent les casser et les jeter dans la Volga.
Le 1er août 1813 ils arrivent enfin à Saratov, leur destination. Ville située au nord est de la Russie aux confins de l’Oural, après avoir parcouru plus de 2000 km.
Au cours d’une étape un prêtre les interrogea sur le christianisme et il fut très satisfait d’apprendre qu’ils croyaient à Jésus Christ et à Marie . On les avaient décrits comme des demi-païens et même des anthropophages !
Les conditions de détention ne sont pas particulièrement dures. Ils sont logés dans des maisons inhabitées et pour tuer le temps ils jouent au Boston ou au whist de 10h du mati à 9 h le soir. En revanche ils ont peu d’informations sur les opérations militaires.
Le 11 avril 1814 Napoléon signe son abdication et les prisonniers sont libérés et leur retour se fait rapidement. Le capitaine Kaltenbacher arrive à Lunéville le 19 nvembre 1814, où il retrouve son père et une de ses sœurs. Il est mis en demi-solde, mais après Waterloo l’armée est licencié en masse .
Il est mis en retraite le 1er mars 1816 avec une solde de 1200 francs. Il se marie avec Jeanne Dumont le 27 août 1817. Il a 41 ans et il aura 3 enfants dont Catherine Eugénie née le 30 mai 1818 . Elle épousera Charles Philippe Ducret le 10 juin 1841 qui est l’ancêtre de ma belle-mère.
Dominique meurt le 27 janvier 1860 à 85 ans .
Quand on a la chance d’avoir de tel document relatant une partie de la vie d’un ancêtre il me paraît intéressant de le publier car ils nous rapportent comment ces hommes ont vécu l’Histoire.
Michel TERRAL